Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/457

Cette page n’a pas encore été corrigée

001

INSPIRATION DE LA BIBLE

902

vouloir nuUre lidèlement par écrit tout ce que Dieu entendait U’ur faire écrire ». De>z.'", iç)52. Ce concours divin donne à la volonté hiuuaine s’appelle impulsion ou motion. Par cette motion, Dieu attiinl-il immédiatement la volonté, ou bien la déciile-t-il par l’intermédiaire de motifsd’ordrc intellectuel ? La question est controversée. Ce qui semble certain, c’est que CCS deux modes, l’un physique et l’autre moral, sont possibles ; et il est vraisemblable qu’au besoin Dieu les aura emploj-és tous les deux. En outre, l’Esprit-Saint peut susciter ou simplement utiliser des inlluences extérieures capables d’agir sur la volonté de l'écrivain sacré. D’ajirés une ancienne tradition, S. Marc et S. Jean ont écrit leurs Evangiles à la prière des tidèles. L’impulsion donnée à la volonté ne se réduit pas à une excitation initiale, ni à un coumiandement d'écrire fait une fois pour toutes ; elle persévère jusqu'à l’achèvement de l’ivuvre : d’antécédente, l’inspiration se fait concomitante.

Que devient la liberté humaine sous l’influence de l’inspiration divine ? En principe, on convient que l’activité inspiratrice peut enlever à l’instrument la liberté de se refuser. En fait, ce n’est pas de cette manière que l’inspirateur a procédé. Dieu ne manque pas de moyens pour obtenir infailliblement le consentement libre de ses créatures. Il est pour le moins inutile de faire intervenir à propos de l’inspiration la querelle entre thomistes et molinisles sur l’eiDcacité de la grâce.

2° Décider quelqu’un à écrire, ce n’est pas encore endosser la responsabilité de son ouvrage, ce n’est pas surtout en devenir l’auteur. A cet elTet, l’inspirateur doit s’assujettir VinteUi^ence elle-même de l'écrivain, et, de la sorte, la faire sienne autant que possible. Ce n’est pas qu’il faille se représenter Uieu troublant ou contrariant le jeu normal des facultés intellectives de l’homme qu’il inspire, ni même lui révélant ce qu’il doit écrire.

Les théologiens s’accordent aujourd’hui pour distinguer entre l’inspiration et la révélation. Est-ceà dire que les anciens, surtout les Pères du iv siècle, les aient confondues autant qu’on le pré tend ? Il est permis d’en douter. Cette distinction était déjà implicite dans l’inspiration à degrés admise par Philon, De vita Mosis, III, 23 : Qiiis rer.dif, hères, 51-53 ; et dans la division de la Bible en trois parties d’après la gradation ascendante : Loi, Prophètes, Ecritures. De tout temps on a senti ce que saint Thomas (II^ II^"", q. 171, a. 5 ; q. 17^, a. 2, ad 3) devait expliquer à fond, savoir la différence qu’il y a entre Isaie écrivant : Hæc dicit Dominus. et l’auteur du second livre des Macchabées faisant contidence au lecteur des recherches qu’il s’est imjiosées pour la composition de Son ouvrage. Mais c’est surtout dans les commentaires des anciens que se révèle la diû'érence qu’ils mettaient pratiquement entre livre et livre, et même entre les diverses parties d’un même livre. C’est ainsi que saint Algcsti.v dit de saint Jean écrivant le prologue de son Evangile : « S’il n’avait pas été inspiré (entendons favorisé d’une révélation) il n’aurait pas parlé comme il a fait ; il se serait tu. » In Joan. Evang. tract, cxxiv. i, i. Au contraire, veut-il rendre compte des divergences qu’il rencontre entre les Evangélistes. il fait observer que l’auteur inspiré n’est pas arrivé, nonobstant ses elTorts. à reproduire les termes mêmes du discours rapporté, qu’il a du se contenter du sens. Aie cons. Evang., U, XII, 28. Le S. Docteur n’aurait pas parlé de la sorte s’il avait cru que toute inspiration emportait la révélation de ce qui était à écrire. Du reste, il sullit d’ouvrir l’Ecriture, pour s’apercevoir qu’elle contient nombre d’assertions conditionnelles et a|>proximatives. Si Dieu avait révélé à l’auteur des.clcs (11, : 51)

le nombre précis de ceux qui crurent au Christ Jésus après le premier discours de S. Pierre, pourquoi S. Luc se serait-il contenté de dire qu’ils étaient environ 3. 000? On n’arrive pas à se représenter Dieu révélant la parole de la consécration du calice d’une façon à saint Paul et d’une autre façon à saint Matthieu. Révélation et inspiration sont tellement distinctes qu’elles peuvent être séparées et, de fait, l’ont été assez souvent. Rien n’autorise à alliriner que sainte Thérèse était inspirée quand elle écrivait ses révélations. D’autre part, nous n’avons aucune raison de supposer que l’auteur des Actes a connu par révélation le contenu de son livre. Même quand il rapporte dans le troisième évangile l’enseignement révélé par N.-S. Jésus-Christ, S. Luc a conscience de le tenir immédiatement de la tradition, puisqu’il nous avertit de la diligence qu’il a mise à se renseigner exactement, i, ^-l^.

Dans l’intervention surnaturelle qui a pour but de donner à la connaissance de l’homme une autorité divine, saint Thomas, Quæsl. disp. de Verilate, q. XII, a. 7, dislingue deux degrés, et comme une double étape : la manifestation d’un objet nouveau (arceptio cognitorum), par exemple lessyndxjUsvus par Pharaon dans ses songes, ou par Raltliazar pendant le festin ; et le jugement à porter sur l’objet qui vient d'être manifesté (Jiidicium de acceptis), par exemple l’explication des symboles donnée jiar Joseph et Daniel. Les deux éléments réunis constituent la révélation proprement dite, comme celle accordée à Jérémie qui viteteomprilla signification des deux paniers de figues (xxiv). Le premier élément tout seul n’est qu’une révélation incomplète. C’est dans le second que consiste la motion inspiratrice proprement dite. Inspirntio cum jiidicio, sed sine acceplione, est proprie et vere iiispiratio di^ina, sed est qiiid iniperfectum in génère reielationis. » Zigliaba, Propædeulica, p. 147 ; cf. P. Lagrange, Hev. hilil., 18y6. p. 208.

Tout en admettant que l’inspiration est distincte de la révélation, des théologiens continuent à employer la terminologie des anciens qui n’ont pas donné à cette distinction une attention suffisante. Ils parlent de suggestion, de dictée et aussi de réiélation improprement dite. Pour être entendus correctement, ces termes ont besoin d’explication, et, même alors, ils prêtent à féquivoque. X cause de cela, il vaudrait mieux s’en abstenir. On dira que saint Thom.b (II » II » "", q. 171, a. ii, c.) ramène la simple inspiration à la prophétie, mais il a soin d’avertir que ce n’est pas l’expression d’un rapport exact d’espèce à genre (est quiddam imperfectum in génère proplietiae). Aussi bien, le saint Docteur fait observer que Dieu meut autrement l'àme du prophète et autrement l'ànie du simple liagiographe.

D’où que viennent les connaissances de l'écrivain inspiré, qu’il les doive à une révélation divine, ou qu’il les ait acquises naturellement, elles sont préliminaires, du moins logiquement, à son inspiration. . parler exactement, celle-ci n’a pas pour objet de lui apprendre du nouveau, mais de lui faire écrire avec une autorité divine ce qu’il sait déjà.. cet effet. Dieu, cause principale, se subordonne toutes les facultés connaissantes de l’homme pour leur faire accomi>lir les diverses opérations qui se produisent normalement quand quelqu’un entreprend de composer et d'écrire un livre : conception du plan, recherche des matériaux, élaboration de la forme, etc. La grâce de l’inspiration ne dispense pas de l’elTort, elle n’assure pas même la perfection artistique de l’o-uvre. Cette perfection n’est qu’accidentelle par rapport au but que se propose l’Esprit-Saint. Dieu a bien pu préparer de loin l’instrument dont il entendait se servir, mais au moment même il n’eu change pas les