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INQUISITION

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soiivciil est le service temporaire en Terre sainte. Beunard Ciii exerça avec une certaine sévérité les fonctions d’inquisiteur à Toulouse, de 1308 à l’iïi, et dans dix-huit sermories générales, il prononça f)30 sentences. Or voici comment se répartissent 1rs pénalités : < 182 impositions de croix, 9 pèlerinages, iiJ3 ser^ ices en Terre sainte, 307 emprisonnements, 17 emprisonnements prononcés platouiquement contre des défunts, ^2 remises au bras séculier, 3 remises théoriques de décédés, 69 exhumations, 40 sentences de contumaces, 2 expositions au pilori, 3 dégradations, 1 exil, 22 destructions de maisons, I Talmud brûlé. Entin 189 sentences ordonnaient l’élargissement de prisonniers. » (Douais, Dnciimeiils, I, ccv.) Ce tableau nous prouve que l^s peines rigoureuses, telles que l’emprisonnement et la remise au bras séculier, étaient les moins fréquentes et que, d’antre part, les prisonniers n’étaient pas oubliés dans les prisons, puisqu’un j<ige aussi sévère que lîernard Gui en a mis en liberté 139. C’est la même impression que nous donne l’Inquisition <le Pamiers pour le comte de Foix, d’après les savantes études de M. Vu>Ai. (f.e Irihuiial d’Inquisition de Pamiers, Toulouse, 1906, in-8°) : « De 1318 à 131/i, elle jugea 98 inculpes ; deux furent renvoyés purement et simplement ; tout renseignement nous fait défaut pour 21 et on peut l’expliquer en admettant qu’on ne donne I)as suite aux poursuites. Sur les 76 qui restent, 35 sont condamnes à la prison, 5 remis au bras séculier. M. Vacandard prétend que ces 35 sentences infligeaient la prison perpétuelle ; mais iloublie que cettedurée indéfinie de la captivité n’est mentionnée expressément que dans 16 sentences et, d’autre part, il cite lui-même huit libérations au Sermo gencralis du 4 juillet 1822 (Vacandard, iip. cit., p. 233).

I.a peine la plus rigoureuse inliigée aux hérétiques, la peine de la mort par le bûcher, a soulevé les plus violentes diatribes contre l’Inquisition ; c’est l’une des objections les plus courantes qui sont lancées par les polémistes de bas étage pour aviver le fanatisme anticlérical des foules aveugles et ignorantes. L’a])ologiste catholique n’a pas à se dissimuler la gravité de cette dilliculté et il doit la résoudre avec la plus entière bonne foi. Il estimera vaine la tentative faite par certains pour rejeter sur le pouvoir civil l’entière responsabilité de ces cruelles condamnations sous prétexte que c’est lui qui les prononçait. Cette explication a été tentée, dès le xiii’siècle, par un maladroit apologiste de l’Inquisition. « Notre pape, disait-il, ne tue ni n’ordonne qu’on tue personne ; o’esl la loi qui tue ceux que le pape permet de tuer, et ce sont eux-mêmes qui se tuent en faisant des choses pour lesquelles ils doivent être tués. » (Dispntalio iiiter Catholiciim et Paterinum hæreticiim, dans Martiînf, Thesaiirasnoi’us aneLdotoriim, Y, co. fj^i.) Sans doute, mais il faut ajouter, pour être exact, que le pouvoir civil n’était pas libre de relaxer les hérétiques qu’on lui abandonnait et qu’il était tenu de prononcer contre eux Vaniniadiersio débita. C’est ce que déclarait formellement, dès 118^, au concile de Vérone, le pape Lucius III, dans sa bulle Ad abolendam ; l’hérétique livré au juge séculier devait être puni par lui : dehitam recepttirus pro qualitate facinoris ultionem (Décret, V, vii, 9). Le pape IxNO-OHNT III répétait la même chose au concile général du Latran, en I215, damnati vero præsentilnis sæculariliiis pnteslatihus aut coram halli’is relinquantur. animadversione débita puniendi. (Ibid., V, VII, 13). Dans sa fameuse bulle Ad extirpandn, Innocfnt IV disait expressément : « quand des individus auront été condamnés pour hérésie, soit par l’évêque, soit par son vicaire, soit par les inquisiteurs, et livrés au bras séculier, le podestat ou rec teur de la cité devra les recevoir aussitôt et, dans les cinq jours au moins, leur appliquer les lois qui ont été portées contre eux » (cité par Eymeuic dans son Directorinni). Des sanctions ecclésiastiques fort sévères furent portées contre les magistrats civils et les princes qui montraient, dans ce cas, de la négligence ou de la mauvaise volonté. L’Inquisition savait fort bien qu’en livrant l’hérétique au bras séculier, elle le livrait à des peines qui d’abord ne lurent que l’emprisonnement ou l’exil, mais qui bientôt furent la mort par le bûcher. Le raisonnement de l’apologiste qui argumentait contre le Patarin nous semble donc procéder d’une casuistique tout au moins contestable. N’ayons aucune diiriculté à le reconnaître, puisque les textes nous le prouvent : l’Inquisition a endossé la responsabilité des sentences que prononçait le pouvoir civil. Ce que l’on peut ajouter cependant, c’est que cette peine du bûcher, qui révolte notre sensibilité, n’a pas été inventée par l’Eglise, mais bien par le pouvoir civil. Ce fut l’empereur Frkdkric II, qui, dans sa constitution de 122^, édicta le premier que l’hérétique, déclaré tel par un jugement de l’autorité religieuse, devait être brûlé au nom de l’autorité civile, auctoritate nostra ignis jiidicio concremandns. L’Eglise, avec Grégoire I et I.n.nocknt IV, se contenta de ratifier cette pénalité rigoureuse, d’origine laïque.

Après avoir ainsi déterminé la part des responsabilités, il n’est que juste de déclarer que la peine de mort prononcée par l’intermédiaire des juges civils ne fut qu’une sanction exceptionnelle ; et ceux qui nous ont montré les inquisiteurs acharnés à approvisionnerle bûcher, les ont calomniés. Sur les 76 sentences portées par le tribunal de Pamiers, de 1318 à 1324, ciHiy seulement livrent les hérétiques au bras séculier. Dans les gSo sentences de Bernard Gui, nous n’en trouvons que 42 portant cette redoutable mention relicti ciiriæ seculari, elainsi, à Pamiers, la proportion des condamnés à mort a été de i sur 15, à Toulouse de i sur 28 (Vacandard, op. cit., p. 286). A ceux qui la trouveront cependant excessive, nous rappellerons que le code pénal du moyen âge était en général beaucoup plus rigoureux que le nôtre et que les inquisiteurs furent des hommes de leur temps ; mais surtout, nous leur ferons remarquer (ci^ que trop souvent on a oublié), que l’Inquisition punissait aussi des crimes de droit commun, commis par des hérétiques ou à l’occasion des procès d’hérésie. En 1824, à Pamiers, Pierre d’en Ilugol, Pierre Peyre et plus tard Guillaume Gautier furent poursuivis et les deux derniers condamnés à la prison pour faux témoignage ; ils s’étaient prêtés à une machination ourdie par Pierre de Gaillac, notaire de Tarascon, contre son confrère Guillem Trou. Pour se venger de ce dernier, qui attirait à lui tous les clients, Gaillac avait résolu de le charger du crime d’hérésie, et Pierre d’en Hugol et Peyre lui avaient servi de faux témoins (Vidal, /.e tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 55-56). Guillem Agasse, chef de la léproserie de Lestang, fut condamne pour avoir empoisonné les fontaines et les puits delà ville ; Arnaud de Verniolle de Pamiers et Arnaud de Berdeilhac pour avoir commis des crimes contre nature (Vidal, ibid., pp. 127128).

Les peines de l’Inquisition étaient souvent, dans la pratique, atténuées ou même elTacées. II ne faudrait ])as croire, par exemple, que tout hérétique qui figure dans les Registres comme condamné « au mur perpétuel » ait passé en prison le reste de ses jours. On n’a pas assez relevé, à côté des sentences de condamnation qui étaient prononcées dans les sermones générales, les grâces totales ou partielles qui y étaient aussi promulguées. Les prisonniers