Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/433

Cette page n’a pas encore été corrigée

853

INQUISITION

854

comme il récii ait au eomlc et aux consuls de Toulouse, en les leur reconiniandant, Grégoire IX i^rcparait le rôle considérable qu’ont joué les Prêcheurs dans la marclie de l’Inquisition, et c’est avec raison que l’un des inquisiteurs iloniinicains, Bernard Gui,

« voyait dans cette lettre le premier titre de son

ordre à exercer l’Inquisition, in parlihus Tulusanis, Alhij ; ensiliiis et Carcasioiiensihus alque A’^ennensibus II (Mgr Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le / anguedoc, I, p. x). Le personnel <pii devait le pins alimenter les tribunaux de la foi était Ircnivé ; il allait être fourni parles ordres mendiants des Dominicains et Franciscains, qui, par leur zèle pour l’orthodoxie et par leur dévotion particulière pour la papauté, nu>ritaicnt la coiillance spéciale du Saint-Siège. Quant à la procédure inf|uisitoriale, elle fut lixée par une série de bulles pontilicales, de décisions de conciles, d’ordonnances seigneuriales, qui donnèrent, peu après, à l’Inquisition du midi de la France un fonctionnement continu et régulier.

Si elle s’est tout d’abord développée dans le comté de Toulouse, à cause du péril plus grand que le catliarisiue y faisait courir à l’Eglise et à la société, l’Inquisition n’y resta pas conlinée, et dès la première moitié du xiu’siècle, elle s’étendit progressivement à tous les pays où il y avait des hérésies à réprimer, c’est-à-dire dans presque tout le monde chrétien. On y appliqua, en la précisant de plus en plus, la législation des conciles de Latran et de Vérone.

En 1232-123/), l’Inquisition s’établit en France. Elle commence par le comté de Bourgogne, où dès 1282, une bulle de Grégoire IX charge de la lutte contre l’hérésie le prieur des dominicains de Besançon et les Pères Gautier et RoniiRT. Ces religieux recevaient des instructions auxquelles se reportent les bulles des années suJA’antes. Cette mission, limitée d’abord à)ine région bien déterminée, fut étendue bientôt à la France entière. Le 13 avril I233, Grégoire IX faisait savoir aux évêques de France qu’il avait chargé les Dominicains des fonctions d’inquisiteurs dans ce pays parce que « les soucis de leurs multiples occupations permettent à peine aux évccpies de respirer II. Enlin, par une autre bulle datée du 21 août I235, le pape nommait inquisiteur général du royaume de France ( per universuni regnum Franciae) frère KoBEUT, que l’on avait surnommé lr Bougre parce que, avant d’entrer dans l’ordre des Dominicains, il avait été lui-même hérétiqiie cathare et que le peuple désignait sous les noms de llulgari. Hongres, les Cathares. Il était recommandé à Robert d’agir avec le conseil des évêques et des religieux (Frkdericq, lioliert le Bougre, premier inquisiteur général de France, p. 13). Saint Louis exécuta fidèlement les décisions de Latran et de Vérone, qui ordonnaient au pouvoir civil de se mettre à la disposition des clercs chargés de la poursuite des hérétiques. Dans sa Chronique rimée, Philippe Mouskkt dit que l’inquisiteur général Robert le Bougre agissait à la fois au nom du pape et du roi.

Far le commant de l’apostole

Qui li et enjoint par eslole

Et par la volonté dou roi

De France, ki l’en list otroi.

(BouQUBT, XXII, p. 55, vers 28879-28882.)

Le eoutumier appelé Elalilissements de saint Louis elles Coutumes du Beauvaisis de Beaiimanoir constatent cet accord de la juridiction e(( ! ésiastique et (|e la juridiction séculière : « Quand le juge (ecclésiastique ) aurait examiné (l’accusé), se il trouvait qu’il fut bougre (hérétique), si le devait faire envoler à la

justice laïque et la justice laïque le doit faire ardoir (brûler). » (Lauhikkk, Ordonnances des rois de Franco, I, p. 2Il et i^û.) « En tel cas, doit aider la laïque justice à sainte Eglise ; car quand quelqu’un est condamné comme bougre par l’examinât ion de sainte Eglise, sainte Eglise le doit abandonner à la laïque justice et la justice laïque le doit ardoir, parce que la justice spirituelle ne doit nul mettre à mort. » (Coutumes du Heauvaisis, éd. Société de l’Histoire de France, 1, 167 et 4’3.)

Ainsi reconnue par le pouvoir civil qui lui prêtait main-forte, l’Inquisition avait une existence olficielle et régulière dans le royaume de France.

La défaite des Albigeois en Languedoc et leur proscrii )tion avaient fait refluer un grand nomlire d’entre eux au delà des Pyrénées dans le comté de Barcelone et les royaumes d’Aragon et de Navarre. Depuis plusieurs siècles, des relations fort étroites avaient uni le midi de la France et le nord de la péninsule ibéri((ue : l’archevêque de Narbonne avait été longtemps métropolitain de plusieurs diocèses espagnols ; la maison royale d’Aragon possédait, au commencement du XIII’siècle, les villes de Carcassonne et de Montpellier ; des alliances de famillel’unissaienl aux maisons de Foix, de Toulouse, de Comminges ; enfin, des seigneurs, teisquele vicomte deCastelbon, le comte de Roussillon, avaient des terres et des vassaux sur les deux versants. Aussi les registres de l’Inquisition toulousaine et carcassonnaise nous montrent-ils, à tout instant, les Cathares allant cherclier asile chez leurs coreligionnaires catalans ou aragonais. L’orthodoxie des rois et des prélats espagnols s’en effraya. En 1226, le roi d’Aragon Jayme défendit à tout hérétique l’entrée de son royaume et renouvela contren les hérétiques, leurs hôtes, leurs fauteurs et défenseurs » les mesures édictées, en 1 198, par son père, le roi Pierre (1228). Sur les conseils de son confesseur, le dominicain Raymond de Pennafort, il demanda à Grégoire IX de lui envoj’er des inquisiteurs, et par une bulle du 26 mai I232, le pape invita l’archevêque de Tarragone et ses suffraganls à faire dans leurs diocèses, soit personnellement, soit avec l’aide des Prêcheurs ou d’autres auxiliaires, une inquisition générale. L’année suivante, Jayme édicta, à Tarragone, contre les hérétiques, une ordonnance qui reproduisait à peu près les statuts promulgués au c(incile de Toulouse de 1229 par le légat Romain, cardinal de Saint-Ange ; enfin, le 30 avril i-.135. pour répondre à quelques questions que le roi d’.ragon lui avait posées, Grégoire IX lui envoya tout un code de procédure inquisitoriale qui avait été rédige par Rajmond de Pennafort. Dès lors, l’inquisition fonctionna régulièrement en Aragon, avec le concours des Dominicains et des Franciscains, et elle étendit son action en Navarre (Lea, Hist. de l’Inquisition, II, p. 198 et suiv.).

Le manichéisme avait fait aussi de nombreux adeptes en Castille. lue, évêque de Tuy, raconte que, au commencement du xnr siècle, la religion catholique était tournée en dérision par les populations, et que, parfois, les membres du clergé eux-mêmes joignaient leurs railleries à celles des hérétiques. Le roi S. Ferdinand voulut en finir avec ces insultes. Aj’ant découvert des Cathares dans la ville de Palencia, il les lit marquer au fer rouge sur le visage (Raynai. di. Annales ecclesiastici, an. 1286, n" 61). Un écrivain castillan de la fin du xiii’siècle, Gilde Zamoba, écrivait que, sous le roi Ferdinand, les hérétiques étaient mis à mort : hærelica pravilas trucidutur. II est dillicile dédire si ces condamnations ju’ovenaient du zèle particulier du roi ou de l’Inquisition. Ce qui est sûr, c’est que la répression de l’hérésie par des tribunaux ecclésiastiques servis par le bras séculier