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INQUISITION

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toujours (le l’aulorilé du légat : ce qui prouve bien qu’il n’était pas inquisiteur lui-même, mais simple (li’légué lies léfçats qui, seuls, avaient été chargés par le Saint-Siège de rincpiisilion dans les pays du midi de la France (Bollandistes, Acta sanciorum

flH^H.Si/, I, pp. 4’0-4’')

Il ne faudrait pas s’imaginer que l’inquisition légatiiie ne se soit exercée que dans le Midi avec les religieux cisterciens qui prii-onl pai-l à la croisade contre les Albigeois. Nous la retrouvons aussi, à la même époque, dans les pays du nord de la France. En 1200, la chronique de Saint-Marien d’Auxerre signale les progrès, dans la province de Sens, de l’hérésie manichéenne, liæresis populicana, ominnin hæreseon felidi’ntissima. Pour y avoir adhéré, l’abbé de Saint-Martin et le doyen delà cathédrale de Nevcrs furent déposés par le concile de Sens. Le cardinal Piehre, du titre UB saint Marcel, se rendit dans ces pays comme légat apostolique chargé de la répression de l’hérésie ; il convoqua un concile à Paris, où il cita le chevalier Evrard, auquel le comte de Nevers avait confié le gouvernement de ses terres, et Evrard aj’anl été accusé d’hérésie par l’évécpie d’.uxerre et convaincu de catharisme par de nombreux témoignages, le légal le condamna et le livra au bras séculier ; amené à Nevers, Evrard y fut brûlé (BouyuBT, XVlIl, p. 264).

On a dit (Luciiairb, Innocent III. La croisade des Albigeois) que Innocent III a substitué l’inquisition extraordinaire des légats à l’inquisition ordinaire des évècpies, lorsqu’on 1204, il enleva aux prélats du Midi la direction de la poursuite des hérétiques, pour la conlier à ses envoyés, les missionnaires cisterciens. En réalité, cette mesure ne concerna que le Midi ; elle ne suspendit les pouvoirs que des évêques du Midi dont le pape suspectait le zèle, et laissa intact le pouvoir des autres. La preuve en est dans les condamnations qui furent demandées, en 1209, par l’évèi |ue de Paris au roi Philippe-Auguste contreplusieurs hérétiques, disciples d’.Vmaury de Beynes (UouoiiKT, XVII, p.83-81). L’inquisition légaline ne lit donc que se juxtaposer à l’inquisition épiscopale.

Comme au xii" siècle, au commencement du xiu’, le pouvoir civil rivalisa de zèle avec l’Eglise contre les hérétiques, et ce fut toujours lui qui édicta contre eux les mesures de répression les plus sévères. Les chroniqueurs du règne de Philippe-Auguste, (ioiLLAUMB LE Breton, et lliooHD, Sont unanimes à signaler l’ardeur avec laquelle ce prince extermina les hérétiques ; à Paris, la place des(]hanipcaux, aux portes du Louvre, fut désignée par lui comme le lieu de leur supplice (l’hilippeis /, vers 407-^10 ; Boiqubt, XVII, 83). En 1197, Pierre I’^', roi d’Aragon — celui-là même qui devait mourir à la bataille de Muret en combattant contre Simon de Montfort — promulguait, à Girone, une constitution fort sévère contre les hérétiques. Il la présentait comme une mesure de salut public : « Dignum et justuni est, disait-il, ni de sdlvalione et defensione e/iisdem popiiti continuani pro viribus geramus soUicitudinera. n En consé((uence, à la suite de l’Eglise, il condamnait les Vau(lois, Sahalati, Pauvres de Lyon et en général tous les hérétiques quorum non est nnmerus nec noniina sunt nota. Il ordonnait leur expulsion immédiate ; ceux qui seraient pris dans le royaume après le dimanche de la Passion, seraient ïirûlés, et leurs biens partagés entre le lise pour les deux tiers et un tiers pour celui qui les aurait découverts. Ceux qui protégeraient les hérétiques ou les recevraient chez eux ou sur leurs terres, seraient coupables de lèsemajesté et punis de mort comme tels ; la même peine attendait les magistrats qui n’exécuteraient pas l’orilonnance (^Marca Ilispanica, p. 1384).

L’un des pires adversaires qu’ait eus l’Eglise, au XIII* siècle, cet empereur qui semble avoir été l’ennemi du christianisme autant que de la papauté, Frédéric II, s’est particulièrement signalé par sa sévérité contre les hérétiques. Le 22 novembre 1220, il prononçait le bannissement des Cathares, Patarins, Speronistes, Leonistes, Arnaldisles, en un mot <i de tous les hérétiques des deux sexes », et ordonnait la confiscation de leurs biens ; il exigeait des podestats, consuls, recteurs de provinces la promesse par serment qu’ils expulseraient de leurs terres liereticos uh ecclesia dénotâtes (IIuillard-Brkholles, /listoria diplomatica Frederici secundi, II, p. 4-5)- Quatre ans plus tard, en mai 1224, il édicta contre les hérétiques une nouvelle constitution jikis sévère encore que toutes celles qui avaient été auparavant établies par les princes et les papes. Il ordonnait aux podestats, consuls et cités de Lombardie, non seulement d’envoyer au bûcher quiconque aurait été condamné pour hérésie par l’évêque, mais encore de couper la langue à ceux auxquels, pour une raison particulière, on déciderait de laisser la vie (IIuillard-Brehollhs, op. cit., II, p. 422).

Ainsi se poursuivait, au commencement du xiii" siècle, l’accord du pouvoir civil et du pouvoir religieux pour la répression matérielle de l’hérésie.

La croisade des Albigeois fit faire un pas de plus à l’organisation de llnquisition. Cette expédition avait déterminé, dans les pays du midi de la France, une lutte continue contre les hérétiques. Pour en finir avec eux et leur enlever à jamais la puissance considérable qu’ils avaient eue dans ces régions, au xii’siècle, on appliqua rigoureusement les prescriptions édictées au Latran, en 1 178, à Vérone, en 1 1 84, et renouvelées par Innocent III, au quatrième concile de Latran de I215 (Décret. Greg. IX, V, vii, |3). Dès que la victoire avait fait tomber un pays entre les mains des croisés, les hérétiques en étaient bannis (ou, selon l’expression méridionale, /"<nV/(71), et leurs biens confisqués, sauf si, par une sincère abjuration, ils se soumettaient à une pénitence canonique et obtenaient des légats et de leurs représentants des lettres de rémission, comme celles qui furent délivrées par saint Dominique à plusieurs convertis (cf. plus haut).

Les révoltes si fréquentes qui soulevèrent contre les croisésdes pays qu’ils croyaient conquis, en remettant sans cesse en question les résultats de la croisade, signalèrent à ses chefs etauxlégats un nouveau danger. Vaincue par les armes, l’hérésie se dissimula, attendant une occasion favorable pour soulever de nouveau les populations. Au lieu de « tenir publiquement maison », c’est-à-dire de pratiquer ouvertement leur culte et leurs assemblées, comme ils le faisaient au xii" siècle, les Parfaits se cachèrent. Ce fut la nuit, dans les lieux reculés, parfois dans les bois ou les solitudes des montagnes, qu’ils réunirent leurs Croyants ; ils les voyaient individuellement ou les faisaient visiter par leurs adidés ; le catharisme écrasé se transformait en société secrète. Il en était plus dangereux, parce que son action devenait insaisissable et de plus en plus difficile à combattre. Il fallut donc remettre en vigueur l’une des dispositions de la constitution de Vérone de 1 184, celle qui ordonnait aux évêques, non seulement de faire arrêter et bannir les hérétiques manifestes, mais encore d’inspecter, personnellement ou par des délégués, leurs diocèses, pour découvrir les hérétiques et se les faire signaler par les fidèles. Cette recherche, cette inquisition des hérétiques était une alfaire importante et compliquée, en un pays qui avait été si profondément pénétré decatharisme. Aussi leslégats du Saint-Siège lui donnèrent-ils une attention toute