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INQUISITION

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moment de la croisade. Il pouvait s’entendre avec les routiers, car il était lui-même un ennemi déclaré de l’Eglise et de ses ministres. « Au cours de ses nombreux démêlés avec l’abbé et les moines de Pamiers, il lui était souvent arrivé de manquer de respect aux reliques de S. Antonin, que gardait précieusement l’église de ce monastère. Pendant une guerre contre le comte d’Urgel, il assiégea dans leur cathédrale les chanoines de cette ville et les força à se rendre ; il profana et pilla l’église, n’en laissant que les quatre raurs. On achève son portrait, dit Vllistoire du Languedoc en assurant « qu’il pillait les monastères, détruisait les églises et eut toute sa vie une soif inaltérable du sang des chrétiens « (Guiraud, Carlulaire de otre-Dame de Pronille, I, p. ccxlix). Gaston de Bkarn eut, lui aussi, partie liée avec les routiers. En 1212, le concile de Lavaur lui reprocha de les avoir appelés et gardés longtemps dans ses états, ruplarins diu tenait atque tenet..vec eux, il saccagea les églises et persécuta les membres du clergé, ecclesiarum et ecclesiusticanini personarum manifesthsimus et gravissimus per.iecutiir.En I21 i, il les lâcha sur la cathédrale d’OIoron, où ils se livrèrent à des saturnales sacrilèges, foulant aux pieds les saintes Hosties, parodiant, revêtus d’ornements sacerdotaux, les cérémonies de la messe et faisant subir aux clercs de oruels tourments (Pieruk de Vaux-Ci’.rnay, Ilistoria Albigensium, ap. Bouquet, XIX, p. ^3). Le successeur de ce même Raj’mond V, qui déplorait, en 1177, les ravages de l’hérésie, Raymond VI, ne craignit pas, lui aussi, de faire appel aux routiers et de déchaîner sur les catholiques leurs bandes sanguinaires (Lka, op. cit.. p. 141). C’est en pensant à tous ces excès et aux doctrines fanatiques qui les avaient inspirés, que dans un moment de sincérité, l’un des ennemis de l’Inquisition, Lea a fait cet aveu intéressant : « Quelque horreur que puissent novis inspirer les moyens employés pour les combattre, quelque pitié que nous devions ressentir pour ceux qui moururent victimes de leurs convictions, nous reconnaissons, sans hésiter, que la cause de l’orthodoxie n’était autre que cette de la cii’ilisation et du progrès. Si le Calharisme était devenu dominant ou même seulement l’égal du catholicisme, il n’est pas douteux que son iniluence n’eût été désastreuse. » (Lea, op. cit., I. p. 120.) Ce n’est donc pas par une simple coïncidence que l’Eglise organisa, au concile de Latran de 1179 et à l’assemblée de Vérone de 1 183, un système de répression matérielle contre les liérétiques, au moment où ceux-ci commettaient contre la société les pires attentats. La répression de l’hérésie par l’Inquisition a été la

« onséquence des troubles anarehiques provoqués par

les doctrines antisociales et les prédications fanatiques de l’hérésie.

D’excellents esprits ont essayé, il est vrai, de le nier. C’est après coup, disent-ils, que l’apologétique catholique a essayé d’excuser et de justifier par des raisons de défense sociale la création et le ride de l’Inquisition ; mais en réalité l’Eglise n’a poursuivi dans l’hérésie que l’ennemie de l’orthodoxie ; si la société a profité de ces attaques, c’est par suite de conséquences que l’Eglise n’a ni prévues, ni recherchées. Les textes se chargent de répondre à ces aflirniations. Ce fut au concile de Latran de 1179 qu’Alexandre III, abandonnant ses dispositions tolérantes envers l’hérésie, promulgua le premier système complet de répression que l’Eglise ait imaginé contre elle. Or les mesures qui furent alors édictées visent avant tout les hérétiques qui, non contents de professer des opinions hétérodoxes, bouleversaient la société par leurs violences et leurs révoltes. Avec les Cathares, Patarins, Publicains répandus en Gascogne et dans l’Albigeois, le pape condamne les Bra bançons, les Aragonais, les Busculi, les Cotereaux

« qui tantam in christianos inhumanitatem exercent, 

ut nec ecclesiis nec monasteriis déférant, non iiduis et puellis, non senihuf et pueris, nec cuililiet parcant aetati aut sexui, sed more paganurnm omnia perdant et vastent » et il les accuse d’exercer leurs ravages dans les pays qu’ils occupent, regiones in quibu.<s de-Oacchantur. Si Alexandre 1Il ordonne contre ces hérétiques une croisade c’est, dit-il, pour remédier à de grands désastres « ut tanti.^ cladibus se yiriliter opponant » (Décret., Greg. IX ; V, vii, 8).

On s’explique maintenant pourquoi les princes du XI* et du XII* siècle ont été plus énergiques que les évcques et les papes dans la répression de l’hérésie, pourquoi ils n’ont cessé d’activer sur ce point le zèle de la hiérarchie ecclésiastique et pourquoi enfin celle-ci a fini, après beaucoup d’hésitations, par s’unir aux princes temporels pour décréter contre les hétérodoxes des châtiments matériels. L’examen des doctrines hétérodoxes du, vi « et du xu’siècle et le récit des troubles qu’elles ont provoqués, nous ont en effet proiivé :

1° Qu’après l’an mil, l’hérésie cesse d’être une opinion purement tliéologique destinée à être discutée dans l’enceinte des écoles ; mais qu’elle se double de plus en plus de doctrines antisociales et anarchistes, en opposition non seulement avec l’ordre social du moyen âge, niais encore avec celui de tous les temps ;

2* Que ces doctrines anarchistes ont provoqué des mouvementsrévolulionnairesetdes troubles profonds au sein des masses, et qu’ainsi l’hérésie qui les enseignait est devenue un danger public ;

3* Que, dès lors, l’autorité temporelle a eu intérêt autant que l’autorité spirituelle à combattre et à détruire l’hérésie ;

4° Que ces deux autorités, après avoir agi pendant longtemps séparément, la première par les condamnations de ses tribunaux, la pendaison et le bûcher ; la seconde par l’excommunication et les censures ecclésiastiques, ont fini par unir leurs efforts dans une action commune contre l’hérésie ;

5° Que cette action combinée a inspiré les décisions du concile de Latran de 1178 et du concile de Vérone de i iS^.

Ces constatations précisent le caractère de l’Iniiuisition telle que l’ont établie les décrétales d’Alexandre 1Il au concile de Latran et de Lucius III au concile de Vérone. Nous pouvons la définir un système de mesures répressii’es, les unes d’ordre spirituel, les autres d’ordre temporel, édictées simultanément par la puissance ecclésiastique et par le pouvoir civil pour la défense de l’orthodoxie religieuse et de l’ordre social, que menaçaient également les doctrines théologiques et sociales de l’hérésie. S’il en est ainsi, on voit ce qu’il faut penser des accusations violentes qui sont si souvent dirigées à ce propos contre l’Eglise. Ce sont de pures déclamations, et elles ne prouvent qu’une chose, l’ignorance et la passion de leurs auteurs. Négligeant en effet de préciser les conditions au milieu desquelles l’Inquisition s’est créée, ils n’ont pas saisi la raison d’être de cette institution, et par là même, n’en ont eu qu’une idée vague et superficielle. Oubliant que les princes ont présidé autant que les papes à sa naissance, ils se trompent en l’attribuant uniquement au sectarisme religieux ; enfin, transformant en martyrs de la pensée libre des hérétiques qui déchaînèrent par leur fanatisme les pires désordres dans la société de leur temps, il les rendent beaucoup plus intéressants qu’ils ne le furent, et ainsi, ils font subir à l’histoire une succession de déformations. Sur cette question de l’origine de l’In(luisition, l’apologiste chrétien n’a qu’à rétablir les faits dans leur pureté et dans leurs rapports rccipro-