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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

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ce cas, doit être offerte spontanémenl, mais les clercs sont réellement obligés par l’équité naturelle de la fournir.

Aux yeux de nos ancêtres, les biens de l’Eglise étaient les biens de Dieu lui-même et, comme tels, entièrement soustraits au pouvoir des princes, libres, par conséquent, de tout impôt séculier. Des peines ecclésiastiques séA-èressanctionnaientcetteimmunité, et, malgré certaines résistances, la société civile la reconnaissait.

On est parfois surpris, en parcourant l’histoire, de l’ardeur que déploya constamment l’Eglise pour défendre ce privilège. Ce serait une injustice de l’attribuer à l’avarice du clergé ; les papes et les évêques avaient d’autres motifs et de plus nobles que l’amour des richesses de ce monde pour agir ainsi. En effet, les biens de l’Eglise n’étaient point seulement destinés à pourvoir à la subsistance et à garantir l’indépendance du clergé ; ils devaient encore être employés à subvenir aux besoins des pauvres et des malades, dont la charge retombait alors exclusivement sur l’Eglise. Le clergé ne luttait donc pas seulement pour ses intérêts, mais aussi pour ceux des pauvres, dont il se regardait, pour ainsi dire, comme l’économe.

Cette considération de l’utilité générale de la fortune ecclésiastique, consacrée aux frais du culte public, à l’entretien des hôpitaux et de toutes les œuvres charitables, aussi bien qu’à celui du clergé, fait comprendre pourquoi cette immunité semblait autrefois si naturelle. Quant à celle dont les clercs jouissaient pour leurs biens personnels, au point de vue historique, elle avait plutôt son origine dans la générosité des princes ; l’Eglise, cependant, avait consacré ce privilège par ses lois. Aujourd’hui l’une et l’autre ont à peu prés disparu. En fait, peu à peu. et comme insensiblement, l’autorité civile a imposé les biens des égliseset lesbiens patrimoniaux des clercs. En vérité, l’Eglise se montre de facile composition sur ce point, du moins en ce qui regarde les biens personnels des clercs.

Mais, premièrement, la mise d’impôts plus forts sur les biens ecclésiastiques que sur ceux des laïcs ne serait-elle pas une injustice manifeste, un abus criant ? Déplus, au point de vue civil, les biens du domaine public et les biens de l’Etat affectés à un service public sont exempts de toute contribution. Ne devrait-il pas en être ainsi, et à plus juste titre, pour les biens ecclésiastiques ?

Les besoins religieux sont incontestablement les plus indispensables de l’homme : tout ce qui y sert est véritablement rf’H<(71/e ^H6/(<jrHe. De ce chef, les biens ecclésiastiques proprement dits, les édiûces religieux, églises, chapelles, couvents, presbytères, séminaires, maisons religieuses, sont affectés à un ser^’ice public. N’est-il donc pas juste, équitable, de les exempter de tout impôt ? En Angleterre, en Amérique, une partie des biens d’Eglise, et spécialement les édifices députés au culte divin, sont soustraits à l’impôt. Rien de plus fondé, de plus légitime ; et c’est un bel exemple d’égalité, de libéralisme bien entendu donné par des Etats protestants. L’Eglise, en promouvant la religion dans un pays, contribue éminemmeTit à la prospérité de l’Etat. « Qàivre immortelle du Dieu de miséricorde, l’Eglise, bien qu’en soi et de sa nature elle ait pour but le salut des âmes et la félicité éternelle, est cependant, dans la sphère même des choses humaines, la source de tant et de tels avantages qu’elle n’en pourrait procurer de plus nombreux et de plus grands, lors même qu’elle eût été fondée surtout et directement en vue d’assurer la félieitéde cettevie. b(Lkox XllI, const./mmor/a/e/>ei, I" nov. i^iô.)Acta Léon XIll, vol. V, p. 1 18 sqq.

VIL Immtmités personnelles. — L’Immunité personnelle est celle qui exempte la personne des clercs de la juridiction de tout pouvoir séculier. Elle comprend principalement le privilège du for ecclésiastique, le privilège du canon, et l’exemption des charges personnelles et publiques, et spécialement du service militaire.

I’Parmi ces immunités, la plus importante, sans contredit, est l’exemption du service militaire, dont les ennemis de l’Eglise font l’objet de leurs attaques les plus passionnées ; il est donc nécessaire d’en établir solidement la légitimité. La démonstration, d’ailleurs, est facile, à quelque point de vue qu’on se place, au point de vue du droit naturel comme au point de vue du droit ecclésiastique ou du droit civil moderne.

Pour qui veut juger la question d’après la législation ecclésiastique, rien n’est plus incontestable que le droit des clercs d’être exemptés du service militaire. Non seulement, en effet, les canons affirment expressément ce droit ; mais, de plus, ils interdisent aux ecclésiastiques, sous peine de censure, le port des armes et l’effusion du sang humain. Telle est l’horreur de l’Eglise pour l’homicide, qu’autrefois elle excluait du clergé quiconque avait commis un meurtre, même sans faute de sa part ; aujourd’hui encore, les soldats et les juges sont en certains cas frappés d’irrégularité, et lorsqu’ils abandonnent leur profession, ils ne peuvent sans dispense recevoir les saints ordres. D’ailleurs les obligations imposées au prêtre par la loi de l’Eglise sont évidemment inconciliables avec celles de l’état militaire : la vie de caserne ne laisserait ordinairement au clerc ni la sainteté ni le temps nécessaire pour accomplir dignement les augustes fonctions de son ministère. De droit ecclésiastique, les clercs sont donc exemptés du service militaire.

Possèdent-ils le même privilège de droit naturel ? Il faut répondre affirmativement : le droit naturel exige que les clercs soient exemptés du service militaire.

.ux catholiques, qui révoqueraient en doute cette vérité, il suffirait de rappeler la Sa’proposition du Srllabus : <i Absque ulla naturalisjuris et aequitatis violatione potest abrogari personalis immunitas qua clerici ab onere subeundæ exercendæque militiae eximuntur… « (Cf. Cavagxis. Institutiones juris puhlici ecclesiastici, t. II, p. Sig sqq., édit. 4’, Romae, 1906 ; Choipi.n, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège ; Srllabus. prop. 82.)

Cette proposition étant mise au nombre des erreurs, la vérité de la doctrine qui la contredit est incontestable. Nous arriverons à la même conclusion en examinant les choses en elles-mêmes.

En effet, le droit que possède l’Etat d’astreindre les citoyens au service militaire, naît évidemment de l’obligation qui lui incombe de maintenir le bon ordre au dedans, et de défendre au dehors les intérêts du pays. Mais, s’il est nécessaire que l’Etat dispose d’une force matérielle suffisante pour maintenir le bon ordre à l’intérieur et repousser les attaques de l’étranger, il est nécessaire aussi qu’il satisfasse aux besoins religieux de la nation, et laisse aux citoyens les moyens sans lesquels ils ne croiraient pas pouvoir rester vertueux, ni atteindre leur fin dernière. Celle nécessité n’est pas moins impérieuse que l’autre et, si les intérêts de l’ordre matériel ne sont pas à négliger, ceux de l’ordre spirituelexigent plus d’égards encore. C’est là une vérité indiscutable pour tout homme qui admet l’existencede Dieuct l’immortalité de l’âme.

Or, sans religion, la vertu et l’acquisition de la On dernière sont impossibles, au moins pour la très