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HYSTÉRIE

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R. P. Poulain). — Nous nous bornons ici à quelques remarques succinctes :

Quelle que soit la part de l’émotion dans l’hystérie, il n’y a rien eu elle qui ne soit capable d’être reproduit et de disparaître par suggestion pure ; et ce qu’elle présentait de plus redoutable, de plus grave, de plus essentiel dans l’esprit de Charcot, non seulement a disparu complètement de la scène médicale depuis qu’on réserve l’hypnotisme à la cure des petits accidents hystériques et qu’on n’en attend aucun effet analogue à ceux qu’attendait et provoquait Charcot ; mais encore on a expliqué le mécanisme de certains « stigmates » autrefois considérés comme primordiaux, aujourd’hui comme artificiels et contingents (Janet, Les IS’é^Toses : explication des zones hystérogènes, p. 172 ; delà lioule hystérique, p. 287 ; des contractures, p. 103 ; de l’anorexie, p. 206). De la suggestion seule (v. ce mol) relèvent donc la plupapt des troubles, mystérieux autrefois, de l’hystérie : leur mystère venait surtout de leur nombre et de leur portée qui paraissaient illimités ; tout s’explique s’ils sont les fruits de l’imagination du suggestionneur ou du suggestionné, car l’imagination n’a pas de limites et peut s’exercer librement sur un corps dont elle ne modifie pas les organes, mais seulement les fonctions. Il y a plus : les a hystériques » simulent volontairement plus d’un accident et d’un stigmate : la fraude la plus habile et la plus tenace, quoique souvent aussi la plus insoupçonnée, vient ainsi à la rescousse d’une imagination déjà désordonnée et troublante. Indépendamment de cette fraude ou mythomanie (Dupbé), qu’on arrive à déjouer, reste à expliquer cette extraordinaire suggestibilité ; car, comme le dit Janet, je n’arrive pas à contracturer mon bras quand je me le suggère, et cela exige une complexion spéciale ; mais cette explication n’est pas notre affaire ; la médecine constate et n’explique pas. Quel que soit d’ailleurs le mécanisme de cette suggestibililé, ce n’est pas elle, c’est son [louvoir qui intéresse l’apologiste ; or on verra aux mots si’ggestion, etc., comme on a vu au mot GUÉnisoN que ce pouvoir est facile à connaître, à concevoir, et fort limité. "Voilà pour l’hystérie spontanée ou provoquée ; quant à l’hypnotisme qui la provo(pie, ou l’entretient et même l’exalte, ses effets ont été également multipliés et défigurés par la suggestion et la mythomanie. Ba-BiNSKi a démontré notamment que l’hypnotisme ne peut être opéré contre le gré du sujet ; qu’il n’y a pas amnésie complète, au réveil de l’hypnotisé, à l’égard des faits suggérés pendant le sommeil ; qu’il n’y a pas inconscience, même dans l’état léthargique ; que, dans le somnambulisme, le sujet ne perd pas le contrôle de sa volonté.

IV. Conclusion. — De l’hypnotisme, comme de l’hystérie, il faut donc détacher une foule de notions erronées <iui ont compliqué la question. L’ensemble se désagrège en deux parts : l’une est faite d’illusions et de mensonges purement accidentels et dont la connaissance n’intéresse aucunement la science médicale, comme étrangère au concept objectif du fonds essentiel de l’hystérie ; l’autre part du Protée hystérique, la plus typique, la plus essentielle, est la suggestibilité morbide, aggravée ou non par l’émotion, c’est-à-dire un ili’xorilre, qui ne peut aucunement ressembler à un phénomène merveilleux de ïordre de la grâce, lequel s’harmonise normalement avec la nature, qu’il ne laisse pas de dépasser. Tel est, croyons nous (cf. llew de philos., ier-12-igi 1), le principe de discernement omis ou négligé par certains auteurs (MunisiEU, Maladie du senlirn. religieux, Alcan, 1901 ; D Thulié, La Mystique etc. des

theolog., Vigpt, 1912). La suggestibililé pathologique ne produit que des troubles, limités d’ailleurs aux fonctions (troubles fonctionnels), généralement négatifs, nécessairement stériles et incohérents. Les phénomènes surnaturels sont logiques, positifs, cohérents, bienfaisants, féconds (cf. pour l’étude philosophique de ce principe et de ces faits : Bai.nvel, iatuie et Surnaturel, Beauchesnc ; Poulain, Grùces d’oraison, Beaucliesne ; J.-M., AVc. quest. scientif., oclob. 1908, etc. ; Guibert, L’Hypnotisme, etc., Relaux, 1898 ; J. Pacueu, L’Exper. mystique et l’Activité suliconsc, Perrin, 1911) Rien, donc, dans l’hystérie, ne peut troubler l’apologiste à la façon d’une théorie ; et, dans la pratique, une enquête minutieuse ne se méprend jias entre des faits surnaturels et des chimères illusoires, ridicules et vagues, ou entre ces mêmes faits surnaturels et des désordres également contraires à la stabilité de la vie physique, morale et sociale (voir Fikssinger, Erreurs sociales et maladies morales). Ajoutons que l’annexion du surnaturel et du merveilleux diabolique au domaine de la pathologie nerveuse n’est pas seulement une tentative insoutenable : il est même logique, il est plausible, d’expliquer au contraire maints prétendus phénomènes d’hypnose par l’intervention des anges déchus dans la nature (voir Occultisme). Cette conclusion répugne à certains savants, non seulement faute de foi, mais surtout parce que leur éducation philosophique rudimentaireou faussée est loin d’être en harmonie avec leur culture scientifique et leur maîtrise médicale. Ils confondent surnaturel et fantaisie, métaphysique et rêverie, et s’imaginent volontiers qu’il n’existe ni preuve ni présomption des faits dont la cause est invisible et transcendante. Ceux, au contraire, qui (même à défaut de foi) reconnaissent la cohérence et la portée des concepts fournis par la tradition scolaslique, jugent que certains faits « nerveux » pourraient bien être plus clairs s’ils étaient l’effet d’un maléfice ou d’une obsession. Autant ils se gardent d’expliquer ainsi tous les phénomènes d’hypnose (comme on l’a tenté néanmoins : cf. Feuret, La cause de l’Hypnose, Téqui, 191 1, et le P. Franco, L’Hypnotisme etc. [Bibl. Nationale 8° R 11220], chap. xvi), autant ils craindraient de nier systématiquement l’immixtion des démons dans certains cas d’ailleurs exceptionnels (comme paraissent l’avoir niée des auteurs pourtant catholiques, et notamment le R. P. Coconnier, le pi’of. Grasset : cf. L’Occultisme hier et aujourd’hui, 1908, et le Dr Lapi’oni, cf. L’Hypnotisme et le Spiritisme, Perrin, 1907). — Ce dernier toutefois est déjà moins catégorique. — Des théologiens éniinents ont fait le départ entre les faits assurément pathologiques, qui sont le plus grand nombre, et les faits vraisemblablement diaboliques, dont l’examen le plus impartial ne tourne nullement, rpuii qu’on en puisse dire par ailleurs, au triomphe évident du naturalisme (cf. les ouvrages déjà quelque peu anciens tlu R. P. DE BoNNioT, Le Miracle et ses contrefaçons, et du chanoine RiBET, f.a Mystique divine etc., vol. IV, ouvrages dont plus d’une thèse et dont les conclusions demeurent aussi autorisées, — et enfin le savant travail, d’autant plus considérable qu’il est plus récent, du 11. P. Castklein, Les Phénomènes de l’hypnotisme et le Surnaturel, HeaiMchesne, 1911) D Robert van der Elst.