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GRECS (RELIGION DES)

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morts avait dislingue dans sa vénération les ancêtres les plus illustres. De là, à en faire des. Surlumiines », intermédiaires entre l’humanité et la divinité, il n’y avait qu’un pas qui fut vile franchi. Les événements politiques favorisèrent ces sortes d’apothéoses, lin Grèce, les peuples se constituaient en groupements distincts, des colonies se fondaient sur les côtes d’Asie Mineure, de Chersonèse, de Tlirace, en Sicile, en Grande Grèce. Les nouvelles cités se cherchèrent des ancêtres glorieux, et, in)ur illustrer davantage leurs généalogies, elles divinisèrent leurs aïeiix prétendus. Diomède eut ses sanctuaires et ses fêles à Argyrippe et Métaponte en Grande Grèce, Adraste à Sicyone, Hélène et Ménélas à Sparte, Thésée en Allique, Achille sur les cotes de la mer Noire’. Le plus célèbre de tous fut Héraklès, le héros national des Doriens.

Pendant que la poésie et l’art s’intéressaient surtout aux dieux Olympiens, que le patriotisme local gloriliait les héros, le culte des divinités clilhoniennes et des morts restait très vivace, et se manifestait en de nombreuses fêles d’un caractère nettement populaire. Les paysans de l’Attique célébraient en l’honneur de Uéméter les Haloa à la récolte des fruits, les Proerosia avant les labours, les Chloeia, quand les moissons commençaient à mûrir. Les autres cantons de la Grèce avaient des fêles analogues, au temps des semailles, de la floraison ou des vendanges. (Cf. Nilsonn, Griecliische Feste… mit Jiisscliliiss der attischeii, Leipzig, 1906.) Partout aussi on retrouve le mythe du bel éphèbe, génie de la végétation, Karnos, Uyakinthos. Daphnis, Hylas, Linos, etc., dont le trépas raclièle à la jalousie des dieux la prospérité de la récolte. La religion populaire avait aussi gardé le souvenir de ces Jicii.r fuiictioiis, qui jouaient un si grand rôle chez les Romains. Parmi les dieux de la végétation, on pcul mentionner Pkytios, qui fait pousser les plantes, l’horhos qui est préposé aux pâturages, Paiidrosas, qui envoie la pluie printanière, Erechleus, qui brise les mottes de la glèbe, Triptulémos, qui accomplit un triple labour, Sminthios, qui chasse les souris des champs, Maléato^, qui fait mûrir les pommes… etc. D’autres président à la vie humaine : £ros, dieu de l’amour, I.éclio qui protège les femmes en couches, Kourotroplios qui prodigue ses soins aux nourrissons… etc. — Difficiles à distinguer de ces petits dieux spéciaux, sont les démons qu’a créés l’imagination populaire. « Citons, par exemple, les esprits qui protégeaient les diverses professions, 1 comme Eunostos, adoré par les meuniers et dont l’image se trouvait dans tous les moulins ; et comme cestXémonsvsbestos, Syntrips, Omodamos, Smara^os, et Sabakiès, que craignaient les potiers pour les dangers dont ils menaçaient la cuisson des vases ; ceux i que l’on invoquait dans les jeux publics, comme I Taraxippos, qui faisait peur aux chevaux, et ceux qui présidaient aux événements les plus ordinaires’de la vie, comme Matton et Keraon, qu’on honorait à

1..u V* siècle, certaines cités célèbrent non seulement des ancêtres lointains et mythiques, mais des personnages presque contemporains : le Spartiate Brasidas, mort à Amphipolis en 422, y est honoré comme fondateur ; Milliade reçoit aussi un culte dans la Cliersonèse de Tlirace.

— Des amateurs danalogies superficielles ont rapproché le culte des héros et le culte des martyrs chrétiens. « Si le recours aux uns et aux autres a quelque chose de commun et s’inspire d’un sentiment analogue, tpii est la confiance ingénue dans un monde surnaturel etdivin, le mode d’invocation diffère sensibleutent. Les païens ofîraicnt des sacrifices à leurs héros tulélaires. Jamais les chrétiens ne firent oflîciellement cette injure à leurs martvrs. * |E. VacaNDARD, Les Orif ; incs du culte <les Saints, dans la Revue du Clergé français, 1" novembre 1910, p. 314.)

S|)arte dans les banquets publics, et que l’on peut rapprocher de Deipneus, qui recevait, en Achaïc, des honneurs identiques… » (Ch. Michel, Les esprits dans les cruyances populaires de l’ancienne Grèce, dans Hevue d’Histoire et de Littérature religieuses (nouvelle série), 1910, 1, p. 200.) A cette catégorie, il faut encore rattacher les démons des maladies, et tous ces esprits étranges et terribles, rangés autour d’Hécate : Kères, Stryges, Lamies, Erinyes, et les fantômes, tels que Mormo, Akko, Empousa, dont les Grecs modernes n’ont pas encore oublié les terriliantes ligures.

Quant aux morts, malgré la tradition poétique qui les reléguait dans un monde souterrain, séparé lies vivants, le peuple continuait de les honorer, comme s’ils résidaient dans les tombeaux. Le So’jour de chaque mois leur était consacre : en ce jour, ainsi qu’aux anniversaires de leur naissance et de leur trépas, les tombes étaient arrosées de libations de viii, de lait, de miel ou de lait et de miel mélangés (y^/ixoy.rs »). Le troisième jour des Anlhesléries (en février) leur était aussi réservé : on leur offrait des pots de légumes cuits, puis on les priait solennellement de se retirer : survivance, semble-t-il, de conceptions populaires, qui regardaient les morts comme des êtres malfaisants, des revenants dangereux. (Comparer les Lémures à Rome.)

Enfin le vi’siècle voyait se développer, à côté de la religion nationale, de plein air, des religions secrètes, ouvertes aux seuls initiés. Aux âmes grecques, s’éveillanl à la philosophie et à la science, la mythologie traditionnelle parut insuflisante. Les Mystères et l’Orphismc se présentèrent comme la réponse à cette curiosité intellectuelle et à ces aspiralions religieuses. (Cf. article Mystères.)

V. Le commencement de la décadence. — Qui eût parcouru Athènes au milieu du v* siècle, contemple les monuments que Phidias, Mncsiclès et letinos élevaient sur l’Acropole à la gloire de Zens et d’Alhéna, ne se fût point douté que cette floraison artistique coïncidait avec une certaine décadence delà mythologie traditionnelle. Et pourtant l’antique religion commençait à branler, aU moins dans les esprits cultivés. La lutte contre la mythologie vint des philosophes.

Dès ses débuts, la philosophie grecque brisa, en fait, avec la tradition sacrée, et construisit ses systèmes, sans se préoccuper d’y intégrer la religion. A la différence des civilisations orientales, où de puissantes écoles de théologiens comme celles deBabylone ou d’Héliopolis renouvelaient et vivifiaient la pensée religieuse, la mythologie grecque, à l’époque classique, ne devait point profiter du travail de la réflexion philosophique. Les penseurs, qui ne l’attaquent pas, en sont à tout le moins indépendants. Dès lors, la religion, privée de toute sève féconde, devait peu à peu se réduire à un pragmatisme sec, à un ensemble de rites, vides de signification. El Cu.mont a pu dire : ic Jamais peuple d’une culture aussi avancée n’eut religion plus enfantine. « (Les Lieligions orientales dans le paganisme romain-, Paris, lyog, p. 48.)

Les premiers Ioniens, Th.lks, Anaximakdre et .

aximkne, l’Ecole Pythagoricienne avaient gardé une certaine neutralité. L’Ecole Eléate, au contraire, se montranetlemenl agressive. XÉNOPUANEnie expressément la conception anthropomorphique de la divinité, pour y substituer celle de l’Un, indevenu et impérissable. Ce mouvement, commencé dès levi’siècle, fut repris dans la seconde moitié du v* par les sophistes. Sous leur influence, se répandait dans les cercles distingués d’Athènes, parmi la jeunesse dorée du temps, un scepticisme banal qui ne pouvait épar-