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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

Il éclata de rire bruyamment.

— Où est Goha ? Je suis Goha. Goha est sot, ça on le dit… Goha ! Goha !

Il se donnait des coups sur la nuque et sur les cuisses et se mit à danser s’accompagnant d’exclamations barbares et de gestes effrénés. Autour de lui s’était formée une foule amusée qui, gagnée par sa démence, tapait des mains sur la cadence de sa chanson.

— Hé ! Hé ! Où est Goha ? Le voici ! Goha est sot… ça on le dit… Hé ! Hé ! Où est Goha ?… Le voici !

Les badauds accouraient et lorsqu’ils saisissaient les paroles de Goha, ils renforçaient le chœur turbulent de leurs voix aiguës ou graves. Ce n’était plus de la joie mais du délire, un délire où il y avait du fanatisme et de la colère.

Seul Cheik-el-Zaki résistait à la gaieté générale ; parmi les extravagances populaires, il avait le souci de sa dignité. Assis calmement sur son âne, il suivait les évolutions de Goha et murmurait par moments « Créature étrange, créature étrange… » Toutefois, son détachement de la scène n’était que simulé. Comme s’il répondait à la suggestion d’un rythme ou à l’appel d’un primitif instinct, il ressentait obscurément le besoin de se mêler à ces hommes et de crier avec eux en agitant la tête, les jambes et les bras.

— Hé ! hé ! Où est Goha ? le voici !

Goha, fatigué, s’épongeait le front. Il interrogeait le maître du regard, cherchant à deviner s’il était satisfait de lui, « Je t’ai répondu le mieux que