Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pement de son fils qui l’avait inquiété de bonne heure. « Toutes mes amies le trouvent beau, tout le monde l’admire », s’exclamait invariablement Zéinab quand Riazy lui faisait part de ses appréhensions, et, afin de dérouter les puissances maléfiques que son enthousiasme de mère avait mises en éveil, elle ajoutait précipitamment : « qu’Allah le préserve, c’est l’enfant le plus laid du quartier ».

Cependant, Goha, parvenu à sa douzième année, éprouvait à comprendre et à parler une grande difficulté. Dans une longue phrase, il prononçait distinctement deux ou trois mots. Mais la perfection de ses traits, l’élégance de sa tournure éblouissaient sa mère et sa nourrice « C’est l’enfant le plus laid d’El-Kaïra », disait Zeinab… « C’est l’enfant le plus laid du monde », disait Hawa. Elles cousaient à ses vêtements des amulettes qu’elles achetaient chez les sorcières et, tous les soirs, Hawa crachait sur la tête de l’enfant pour le soustraire aux sortilèges des nourrices du voisinage qu’elle savait envieuses.

Les études confirmèrent l’angoisse de Mahmoud. Jamais Goha ne parvint à déchiffrer le Coran.

En cinquante-six mois, il apprit à réciter de courtes prières avec les différentes attitudes qui les accompagnent. Renonçant à l’espoir d’en faire un uléma, un imam ou un médecin, Mahmoud, qui possédait une entreprise de céramique, associa son fils à ses affaires. L’entrée de Goha dans les ateliers se signala par des dégâts considérables et Mahmoud dut en rabattre encore sur son ambi-