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— Allah ! tu es fou ! Ce n’est pas de moi qu’il s’agit… Si tu voyais ma tête, tu serais refroidi pour le restant de tes jours !

— Tu m’as pincé, je veux voir, insista Goha.

— Un peu de patience, mon étoile, et tu auras de quoi te rincer l’œil…

Elle surprit dans les yeux de Goha une lueur de convoitise et, maternelle, ajouta :

— Il n’y avait qu’une femme au monde pour veiller sur toi et préparer ton bonheur et cette femme était Warda, Warda la dallala, Warda la borgne… J’ai fait ta fortune, fils de Riazy ! Tu auras des palais et des terres, tu auras des esclaves et des chevaux, tu vas devenir un grand personnage et tu laisseras pousser ta barbe !

Elle s’accrocha à lui et, tout à coup, se fit humble et suppliante.

— Goha ! Goha ! considère mon existence… J’ai travaillé toute ma vie, j’ai couru comme une chienne de maison en maison et je n’ai pas un sequin de côté. Pas de mari pour me nourrir et pas de fille à vendre ! Goha, tu seras riche et puissant… Je ne te demande pas grand’chose… Une petite maison à Boulaq et deux sequins par mois jusqu’à ce que je meure, voilà tout ce que je te demande, mon maître… Sois généreux, mon maître…

Il l’écouta, hocha la tête et répondit :

— Tu veux une maison, Warda, et pourquoi pas ? Tu veux deux sequins par mois, et pourquoi pas, Warda ?

— Illustre fils de Hadj-Mahmoud ! s’écria la dal-