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— Qu’allons-nous faire ? Qu’allons-nous faire de cet homme ?

Mabrouka, qui avait regagné son lit, murmura négligemment

— Après l’aventure de Nour-el-Eïn…

— Tais-toi ! hurla El-Zaki…

Il reprit sa marche d’un pas accéléré. Il voulait réfléchir et il ne réfléchissait à rien d’autre qu’à sa volonté de réfléchir.

Mabrouka connaissait ces crises, de moins en moins fréquentes d’ailleurs, où Cheik-el-Zaki s’efforçait, toujours en vain, d’imprimer à sa pensée une direction. Elle les craignait pour lui et pour elle-même, Jamais avant l’hébétude de son mari, elle n’avait connu autant de bonheur. Elle avait maintenant un mari affectueux, empressé, qui appréciait ses conseils et recherchait son intimité, un mari tel qu’elle le concevait. L’autre, le rêveur qui s’enfermait dans ses méditations solitaires, avait disparu. Néanmoins, elle veillait. Mollement, d’une voix languissante, elle dit

— Ah ! mon chéri, je meurs de chaleur… Je brûle et je sue, mon amour…

Elle se mit sur son séant, enleva sa chemise et, se couchant, tourna le dos à Cheik-el-Zaki. Celui-ci continuait à se débattre mentalement, il avait seulement changé de formule : « Il faut que je décide, songeait-il, il faut que je décide ! » Et chaque fois que ses yeux se posaient sur le corps de Mabrouka, la rage montait en lui. L’image de ce corps l’obsédait. Brusquement en arrêt, dans un effort de réaction, il s’écria : « Voilà où j’en