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Goha fit un petit tas de ses vêtements et attendit sa nourrice, debout. Il n’osait s’asseoir ni sur le divan, ni sur le lit, ni sur le guéridon d’ébène. Ces vieux meubles venaient de prendre à ses yeux l’aspect d’êtres privilégiés et sages. Ils connaissaient sa disgrâce et assistaient indifférents à son départ, eux les vrais maîtres de cette chambre qui resteraient toujours là. Maintenant qu’il était chassé, Goha avait l’impression d’avoir été leur hôte durant de longues années et il se sentait timide auprès d’eux.

Hawa avait revêtu sa somptueuse gallabieh de soie et de brocart. Cette gallabieh où étaient représentés les plus riches tuniques de ses trois maîtresses, les plus luxueux caftans de Hadj-Mahmoud, Hawa la considérait comme le bénéfice le plus clair de ses trente années de servitude.

— Heureusement que j’ai cette gallabieh, dit-elle à Goha en entrant.

Elle noua les cordons de son borgo sur ses cheveux crépus et tous deux quittèrent la chambre. Sur le seuil de la maison, la négresse s’arrêta, poussa trois cris stridents, puis elle entraîna Goha et traversa la cour.

Lorsqu’ils se trouvèrent dans la rue, Goha se rappela qu’ils avaient laissé l’enfant dans l’antichambre. Il n’osa en faire la remarque à la négresse qui sans doute avait des raisons mystérieuses pour agir ainsi.

— Mon chéri, dit Hawa en lui touchant l’épaule, nous vivrons seuls tous les deux.

— Et Bagba ? demanda-t-il.