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reprit Abd-el-Rahman, tu vivras auprès de moi.

Il y avait longtemps qu’il n’avait pas autant parlé. Indifférent à la présence de Nour-el-Eïn, il retomba dans la rêverie passive qui devait le conduire à la mort.

Nour-el-Eïn examinait avec épouvante les doigts maigres du vieillard qui s’attardaient sur les boules du chapelet. Prise de panique, elle se tourna vers la porte pour fuir. Elle fit un pas et s’arrêta hallucinée. Il n’y avait plus de porte, mais un terrible mur de pierre fermé sur elle.

Elle se jeta aux genoux de son père, hurlant :

— Je suis innocente ! Je le jure ! Je suis innocente !…

Abd-el-Rahman la fixa d’un regard aigu.

— Pourquoi me parles-tu de ton innocence ? Serait-ce qu’on t’accuse ?

Elle comprit la terrible faute qu’elle venait de commettre.

— Je ne sais pas ce que je dis, balbutia-t-elle, je suis souffrante… Et, se relevant, elle ajouta avec un prodigieux effort pour paraître calme : « Quel est l’imbécile qui a fermé la porte ? »

Elle fit quelques pas et de nouveau s’arrêta, terrifiée. Alors, elle se roula sur le tapis, se cogna la tête de ses poings.

— Je suis innocente ! Je suis innocente !

Elle rampa jusqu’à son père, lui caressa les pieds.

— Je suis innocente !… Demande-le à qui tu voudras, demande-le à Allah… S’il ne te ment pas !…