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Les deux sacs vides et la bourse pleine, Goha quitta les prostituées. Il n’eut pas de tristesse à le faire, car malgré le bruit, malgré sa propre agitation, il avait retrouvé en lui-même, intacte, la nuit passée.

Les muezzins appelaient les fidèles à la prière de midi. Goha mena son âne à l’ombre d’un mur, l’attacha à un anneau de cuivre scellé dans la pierre, destiné à cet usage, et entra dans la mosquée. Il se rendit d’abord dans la cour intérieure au centre de laquelle se trouvait la fontaine aux ablutions. Il se lava les pieds, la tête, les bras et ainsi purifié alla se prosterner dans la salle du sanctuaire.

Quand il sortit dans la rue, il trouva son âne couché par terre. Se sentant fatigué, il s’étendit à ses côtés et, la tête posée contre l’épaule de l’animal, ferma les yeux.

Il ne s’endormit pas ; des visions l’assaillirent où se déroula toute sa vie sentimentale. Il y eut des yeux rieurs qui lui rappelèrent des matinées dans les champs et des fellahas joyeuses, il y eut des bras nerveux qui lui rappelèrent des tentes de bédouines et surtout cette fille de treize ans qu’il surprit un jour mangeant des figues ; il y eut Hawa.

Il y eut surtout celle qui l’avait le plus exalté, la femme de crème et d’eau de rose, qui, sans qu’il sût d’où elle venait, le visitait sur la terrasse. Goha l’aimait davantage et depuis plus longtemps, celle-là.

La tête aux cheveux noirs prolongeait en lui le