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trousses des maraudeurs. Moins d’une heure après ils revinrent, rapportant l’animal dérobé. Toutefois, les sacs de fèves avaient échappé à toutes les recherches.

— Ça ne fait rien, dit le mamelouk, Goha est mon ami, donnez-lui, à la place de ses fèves, les deux plus beaux moutons de mon troupeau.

Se retournant vers Goha :

— Égorge-les en mon nom, dit-il, et, lui touchant l’épaule du bout de sa cravache, il le congédia.

Avec son âne et ses deux moutons, Goha se trouva sur la route. Elle serpentait blanche, étroite, resserrée entre les champs couvert d’herbes sèches. Les yeux fixés devant lui, sans se soucier de savoir si sa phrase avait un sens maintenant que sa marchandise était dérobée, Goha chanta de sa voix grave :

— Je vends des fèves… Qui veut des fèves ?… Voilà des fèves…

Et tandis qu’il chantait, il revoyait la fillette surprise dans la piscine de marbre, puis il revoyait les trois fellahas vêtues de rouge et de bleu devant la porte de la cabane claire que l’ombre des figuiers avait gagnée en partie. Mais ces visions ne le contentaient pas, elles lui semblaient accessoires, elles le conduisaient vers un souvenir obscur où quelque chose l’attendait.

— Je vends des fèves…

Une dahabieh lente glissait devant les arbres immobiles de la berge. Des laboureurs manœuvraient un chadouf et, les pieds trempés dans le