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un rectangle violet, l’unique de cette coloration, correspondait à un cercle jaune.

— Tozz ! Tozz !

— Bagba, regarde ma gallabieh… C’est un habit de reine, Bagba… Je vais la mettre et quand Goha viendra, je lui parlerai… Je lui parlerai comme il faut…

Elle se leva et chantonna en balançant sa croupe nue :

Voici ma gallabieh
ma jolie gallabieh…
Hé ! Hé ! Hawa
voici ta gallabieh !

Ayant manifesté sa joie, elle fut prise d’une sorte de terreur, celle des êtres étonnés d’avoir été choisis par le malheur et qui ne parviennent pas à se reconnaître dans l’événement qui les frappe. Elle regarda autour d’elle, hocha la tête et sortit en balbutiant :

— Est-ce que je pouvais savoir ?

Elle entra dans la chambre de Zeinab, s’approcha du miroir de Venise suspendu au mur et revêtit la robe. Involontairement, elle sourit à son image. Dans cette gallabieh qui tombait, raide, autour d’elle, elle se trouvait rajeunie, embellie, irrésistible. La pensée l’effleura que d’autres, moins séduisantes, étaient femmes de grands seigneurs. Dans la cuisine Bagba faisait du vacarme.

— Cette fois, c’est lui, dit Hawa en prêtant l’oreille.

Elle se mira une dernière fois et d’une voix fine, timide, traînante :