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— Venez sur le divan…

— Nous avons entendu, dit Amina en tapotant la main de sa maîtresse… Ne t’attriste pas.

— Veux-tu que je te raconte une histoire ? demanda Mirmah. Je te dirai l’histoire de Mélek.

— Non… non…

— Ne t’attriste pas, reprit Amina. Choisis un autre… Ils sont mille qui pourront te consoler.

À travers les vitraux, des lueurs violettes se répandaient dans la salle et dans les coins de l’ombre se condensait. Les meubles, les frises des murailles que Nour-el-Eïn jusque-là avait connus inertes, s’animaient et semblaient en attente. L’ombre qui s’avançait allait peut-être l’emporter ? Pour la première fois, elle sentait dans les choses du mystère. Les deux esclaves étaient à ses pieds. Elle les voyait comme d’un autre monde. La Tcherkesse était accroupie, la tête posée sur la main. La Syrienne était accroupie, la tête posée sur la main. Elles étaient petites, petites comme des enfants, et légères comme des fumées. Soumises, elles aussi, à des forces qui consument, elles se réduisaient visiblement.

Peu à peu, des bruits montent. Ils ne viennent pas de loin, mais ils viennent d’un ailleurs inconnu, Amina et Mirmah relèvent la tête et disent qu’elles ont entendu.

— La Illah el Allah !… Mohamed rassoul Allah !…

Les deux esclaves bougent et semblent grandir.

— Il n’est d’autre Dieu que Dieu et Mohamed est l’envoyé de Dieu.