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hôte avait eu de grands torts dont il attendait réparation. Et une sourde antipathie, une antipathie physique s’éveillait en lui, dès que son maître ne le dominait plus par l’esprit.

Des trois, Goha était le seul qui demeurât pareil à lui-même. Irrégulier dans ses visites, il ne laissait cependant pas trois jours s’écouler, sans retourner chez son voisin dont il appréciait la douceur du langage, les divans et le café aromatisé. Par moments, un mot captivait son attention, le plus souvent il était absent et muet. El-Zaki que sa nature exceptionnelle intriguait, notait ses réflexions et ses silences. À Waddah-Alyçum, il lisait les pages écrites avec soin. La porte pouvait s’ouvrir, Goha pouvait entrer, le cheik, après lui avoir souhaité la bienvenue, continuait à exposer ses observations. Les entretiens étaient d’ailleurs extrêmement variés et de tournure facile.

Ce soir-là, El-Zaki montrait des pierreries.

— J’ai acheté ces quinze perles à des bédouins qui les avaient sans doute volées à des pêcheurs, au bord de la mer Rouge.

— Et ces gros diamants ? fit Alyçum.

— Ils sont de Panna.

— Le plus gros est taillé en brillant…

— Par un artisan de Venise, je crois… Regarde ces deux rubis de Ceylan, l’île des rubis, comme l’appelle Beladori, ils sont écarlates et purs…

— Vous avez une fortune dans cette cassette.

— Cela t’étonne ? N’aurais-tu pas, toi un esprit si noble, la passion des pierreries ? Je ne lis jamais, sans me sentir ému jusqu’aux larmes, la