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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

surtout par la couleur extravagante de ses caftans et ses attitudes efféminées. Attentif aux moindres paroles de son maître, il gardait cependant le souci de ses propres gestes. El-Zaki avait de la tendresse pour lui. Attiré par ce visage allongé, aux lèvres fines, au nez mince et droit, il l’aimait pour sa jeunesse sensuelle, il l’aimait parce qu’il retrouvait en lui, sans se l’avouer, un peu de Nour-el-Eïn.

En Goha qui appréciait dans ces réunions le narghilé et les friandises que lui tendaient les esclaves, Cheik-el-Zaki découvrait des séductions étranges. Il puisait dans la contemplation de son contraire des idées nouvelles qu’il se plut à annoter. Après le départ de ses amis, accroupi sur le divan et une feuille dans la paume de sa main gauche, il faisait courir la légère plume de roseau : « Cet après-midi, écrivait-il, Alyçum m’a dit : Goha n’a pas la figure d’un sot. Je viens de me pencher sur mon jardin, j’ai regardé un oranger en fleurs. Il m’est apparu comme un sourire de la vie… Goha est pareil à cet arbre. »