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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Je n’ai pas assisté à une telle expérience, dit le cheik, mais je crois Masléma digne de foi.

— Et comment vous expliquez-vous, mon père, que l’aptitude à la divination se communique à n’importe quel individu, croyant ou impie, noir ou blanc ?

— De la manière la plus simple, répondit El-Zaki. Les hommes ont un corps et une âme et le corps aveugle l’âme. Quand nous mourons l’âme rejoint des régions d’où le passé et dans une certaine mesure l’avenir lui sont accessibles. Dans notre cas, l’huile de sésame absorbe les tissus et, sans occasionner de mort immédiate, dégage l’esprit. En somme on ne conserve à la chair que la vitalité nécessaire pour communiquer avec les vivants. Tu comprends ?

Alyçum s’inclina profondément :

— Comment ne comprendrais-je pas ce que Cheik-el-Zaki, le savant, le sage, daigne m’expliquer ?

Quelques points n’étaient pas tout à fait clairs. Le texte ne renseignait pas sur la résistance du sujet mis à l’épreuve, sur sa force de réaction, sur son aptitude à comprendre les événements ordinaires de la vie et, surtout, il ne disait pas si après les quarante jours, au moment où l’on interroge l’homme qui se dessèche au vent, il faut continuer à le nourrir et si cette nourriture doit être de figues et de noix. La discussion se prolongea donc très tard. Il faisait nuit quand Goha se retira.

Hawa l’attendait à la porte. Elle l’assaillit de questions innombrables auxquelles il ne répondit