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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

turbé élevée sur les cendres du pieux ancêtre de Cheik-el-Zaki.

Goha s’était arrêté, indécis ; un négrillon vint lui demander ce qu’il voulait. À quelques pas, sous une tonnelle envahie de chèvrefeuilles, cinq hommes étaient accroupis. Au milieu du groupe était placée une bassine en terre remplie d’huile où nageaient des tranches de tomates et de citrons, du persil, de l’ail et des poivrons verts. Sur un plat étaient rangées des boulettes de fèves pilées, très pimentées. Elles venaient d’être frites et grésillaient encore. Khalil, chez qui se donnait le repas, présidait. Ses convives étaient les deux jardiniers, l’eunuque Ibrahim à la voix fine et un voyageur qui avait demandé l’hospitalité. Khalil prit dans une couffe la moitié d’une galette de pain. Il la farcit d’une boulette de fève, la trempa longuement dans la salade, roula le tout dans la paume de sa main et offrit la bouchée au voyageur inconnu qu’il voulait distinguer d’une attention particulière.

— Que veux-tu ?… que veux-tu ?… criait le négrillon en retenant Goha par le caftan.

— Espèce de que veux-tu toi-même ! répliqua Goha empourpré de colère.

Khalil n’avait pas jugé utile d’interrompre son repas pour Goha et lui avait député son fils. Cependant, la discussion entre l’enfant et le visiteur s’étant prolongée outre mesure, il se vit obligé de tourner la tête et d’interpeller l’importun.

— Qu’y-a-t-il ? Hé… Assez crier !…

— Hé toi-même ! hurla Goha.

Le portier le regarda un instant de ses grands