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MESSES NOIRES

que je lui réponds et que, malgré ça, nous sommes brouillés à mort.

— À mort… depuis lady Cragson ?

— Taisez-vous, vous ratez vos sorties. Ses lettres sont délicieuses. Il m’y raconte des bêtises avec la plus jolie insouciance du monde. Je vous en lirai peut-être un de ces soirs. Je lui retourne des phrases faites comme par un notaire, qui ne disent rien et qui veulent tout dire. Alors il s’excite, et j’augmente mon recueil…

— Mais comment est advenue votre brouille ? hasardait Carnavagh.

— Oh, très simple, des choses de femme… là-bas, du côté d’Athènes. Scènes le lendemain, cris, giffles, malédictions, il a eu la délicate attention de vouloir m’empoisonner (c’est le chemin, dites, pour aller chez Yarmouth ?)

— Vous empoisonner ?

— Un rien, deux pilules qu’il avait échangées — quinine ou atropine. Malheureusement, j’ai laissé tomber le grain dans mon verre, l’eau s’est décomposée, je n’ai pas bu… Enfin, comme je vous le disais tout à l’heure, si j’ai rompu avec lui je n’y ai eu aucun mérite. D’ailleurs, il s’affiche trop cela finira mal. Regardez cette pauvresse aux cheveux roux, de beaux yeux verts, by Jove… on dirait des émeraudes…

— Elle vous regarde, désirez-vous ?

— Oh, non, cela suffit. Mais j’aime ces yeux qui se donnent, ces désirs qui s’avouent. Je comprendrais…

— Attention, encore des pochards.

— Rien, un départ pour Silène… Je comprendrais un pays où les gens qui se veulent par un beau soir tiède ou par une sale nuit brumeuse comme celle-ci, se le pro-