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LORD LYLLIAN

de leurs jeux et de leurs cris, de petits esclaves sarmates, éphèbes aux yeux agrandis de khol, aux ongles teintés de bleu, échangeaient entre eux des caresses et des regards, des adorations et des baisers. Certains portaient de lourdes guirlandes de lys, qu’ils effeuillaient au passage d’un geste nonchalant.

Et leurs pieds nus se posaient moins sur la terre que sur une moisson de pétales, nacrés comme leur chair. D’autres, le torse cambré tenaient au-dessus de leurs têtes des coupes d’argent où brûlaient des essences… Et fleurs et parfums laissaient flotter leur âme légère autour du pavois nacré, où, parmi les mousselines tremblantes, les soies fastueuses et les broderies d’or reposait, langoureux et pâle, lord Lyllian, dans la nudité des dieux.

Des satyres, des nymphes, des éphèbes et des vierges se poursuivaient en mêlant leurs voix ; un enfantin Mercure, échappé de l’Olympe, brandissait fragilement son caducée ; des poètes de quinze ans balançaient près du triomphateur des encensoirs ciselés et lui dédiaient des hymnes.

Et le cortège continuait sa marche lente à travers le parc orné d’arbres inutiles et superbes, atteignait les rives bleues de la mer, puis, remontant vers la route, s’arrêtait devant les ruines du temple à Zeus.

Alors Lyllian, transfiguré, descendit de son trône. Serti de joyaux comme une idole précieuse, les mains couvertes de lourdes bagues, une ceinture orfévrée ceignant ses reins et couvrant son sexe, il gravit les marches de marbre, les marches écroulées qui jadis avaient été baisées par les lèvres des adorateurs.

Il découvrit son corps cambré aux regards de la foule,