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MESSES NOIRES

du temple à Zeus, environnées de myrthes et de lauriers, évoquaient les religions antiques, génératrices de chefs-d’œuvre.

Et le silence planait sur tout cela, une immobilité hiératique, que seuls troublaient la plainte des vagues et le bruissement du vent dans les feuilles.

Tout à coup un pipeau préluda et la nuit fut remplie d’harmonie et de caresse. Puis une autre flûte répondit, et c’était, dans ces bois, l’évocation des idylles passées, la douceur des églogues où vivaient les bergers. Puis un arpège plus lointain encore, et bientôt, fusant de chaque bosquet embaumé, se mêlant aux senteurs aromatiques et grisantes de cette flore déjà d’Asie, un accord unique s’éleva, de bruits d’ailes et de voix humaines : la prière chantante d’Adonis…

Alors, brusques comme la victoire, des buccins sonnèrent, des trompettes joyeuses retentirent : le signal du cortège. De tous les points du parc, derrière les ruines colorées d’aurore, au milieu des orangers, des lauriers, des oliviers et des myrthes une acclamation retentit, mêlée aux feux des torches, aux flammes des bengales.

Et le cortège s’avança.

Précédé de danseuses de Lesbos, souples, brunes et lascives, aux gorgerins ciselés de perles, de danseuses qui se renversaient en frappant leurs cymbales, un vieillard marchait, la tête couronnée d’un laurier vert dont les baies rouges ensanglantaient ses cheveux, et ses épaules étaient couvertes d’une robe de pourpre pareille à celle d’un Bacchus indien.

Derrière lui, un négrillon tenait horizontalement, comme une patène à libations, une longue crosse de cèdre rose serrée par un lacet d’or. Entourant le vieillard