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LORD LYLLIAN

tandis que, frissonnant de fièvre et de plaisir, lord Lyllian, cambré devant la glace, se regardait pâlir — ravissant de perversité, d’ironie et d’amour.

 

Le soir du même jour, comme, délicieusement las, Renold, vêtu de sa légère chemise, allait se mettre au lit, une voix féminine à moitié étouffée par la peur demanda : Puis-je entrer ? Il ouvrit la porte. C’était lady Cragson.

— Oh, pardonnez-moi ; je ne sais pas ce que je fais ! Je suis folle, en vérité…

Elle se rapprocha du jeune garçon très beau dans la pénombre avec ses yeux clairs voilés de cils de velours.

— Pardonnez-moi, dit-elle… je vous aime…

— Chut, répondit-il, en lui fermant les lèvres.

Et comme il pensait à toutes sortes de folies romanesques et charmantes, lord Lyllian, vierge à moitié, l’aima plus que Skilde cette nuit-là…

 

Maintenant il ne se passait pas de semaine sans que Harold Skilde, lady Cragson et d’autres voisins ne vinssent à Lyllian Castle visiter Renold. On organisait un peu partout des fêtes et des rendez-vous, si bien qu’on aurait juré la présence du diable dans ce diable de pays.

Lord Lyllian se transformait rapidement au contact de tant d’émotions nouvelles. Il était à l’âge où les garçons changent de nature et d’idées — choyé par les uns, critiqué par les autres — il réunissait en effet tout pour réussir — il devint vite un enfant gâté. Sa réserve et sa modestie d’autrefois disparurent. Son sourire aussi, son jeune et naïf sourire des premières années. Skilde, indépendamment de cela, lui pénétrait l’esprit de mille pa-