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MESSES NOIRES

fixer une date. On s’arrêta au jour de l’an. Quant à la pièce, Skilde s’en occuperait…

Et ce soir-là ils rentrèrent sans que le tentateur ait osé davantage.

 

Huit jours après, Skilde revenait avec la pièce.

Il s’y était attelé sans trêve, le cœur pétillant d’espoir, grisé par le souvenir de ce jeune page dont l’impertinence de mousquetaire et l’élégance de grand seigneur l’avait plus troublé que les boys de Regent Street ou que les bambini de Messine.

— Je vais vous lire la comédie, vous permettez, monsieur Chéri ?

Et, sans que Lyllian s’en offusquât davantage, amusé du reste, Skilde lui joua, tant il avait le don d’évoquer avec un mot et avec un geste, Skilde lui joua les trois actes de son « Narcisse ».

Lyllian applaudit. Le soir tombait en face d’eux sur les hautes montagnes, et des fenêtres on découvrait le lac inondé de vapeurs roses. Toute l’Écosse romantique et divinisée palpitait dans ce coin perdu. C’était avec Ivanhoë et Marie Stuart l’incantation de princesses tristes enfermées dans des tours, de bergers nomades soufflant du cor, de bruyères et d’eaux tranquilles. Et pourtant il avait suffi d’une minute pour transformer le décor de brume en décor de soleil et pour y faire apparaître, ainsi qu’une radieuse aurore, la douceur blonde d’un paysage grec.

— Très joli votre Narcisse, affirma Lyllian, les oreilles encore chantantes des rimes et des mots.

— Et vous l’incarneriez comme si vous-même ressuscité aviez été le fils des nymphes. Vous me parliez l’au-