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MESSES NOIRES

restreint auprès d’une élite. Puis vint l’approbation de certains artistes art nouveau, de Burne Jones, en particulier, qui s’inspira d’une des proses du poète pour un tableau retentissant. Harold Skilde, assez modeste, se vit sur le chemin du succès. La tristesse mystérieuse de ses contes où revenaient les descriptions très aiguës de certaines amours, l’au-delà de ses rêves, le charme ambigu de ses héros, conquirent petit à petit ce peuple dont Byron fut l’enfant gâté.

Et lorsque trois années avant sa visite en Écosse, le Prince of Wales’ Theatre avait représenté de lui deux actes intitulés « Lysis », l’opinion avait applaudi tant aux sentiments exquis qu’y s’y révélaient qu’au talent magistral de l’auteur. Dès lors Harold Skilde connaissait la gloire. Avec une perversion de favori, grisé par les louanges qui le célébraient à l’envi, il lança à son public défi sur défi. Et ce fut « le portrait de Miriam Green »… Défi sur défi ; peine inutile. Chaque essor nouveau lui était un nouveau triomphe.

Pourtant il sentait ce triomphe précaire basé sur le snobisme et sur le sadisme de ses contemporains. Il écrivit coup sur coup les pièces les plus osées, les articles les plus bizarres.

Il souffrait dans sa conscience d’artiste et jouissait en même temps de voir tant d’hypocrisie mêlée à son succès. Ses livres se vendaient en Amérique et en Angleterre à un tel nombre de milles qu’il se fit bâtir près d’Oxford un palais en marbre rose, unique et délicieuse reproduction du temple à Paestum. Recherché par toute l’aristocratie du royaume, il répondit à ses fêtes par des fêtes plus belles encore. Des soupers furent servis chez lui qui dataient d’Héliogobale. Non content de célébrer