Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LORD LYLLIAN

— Encore !… chanta-t-il avec un sourire.

Alors ils glissèrent sur le foin parfumé, leurs mains curieuses se cherchèrent tandis que lui la chatouillait du bout des lèvres. Bientôt les gestes se précisèrent, ils se débattirent dans une lutte charmante ; soudain elle poussa un cri, un tout petit cri suivi d’un râle d’amour et de plaisir. Et lorsqu’ils sortirent de la grange, beaux tous deux des cernures de la fièvre, Edith et Renold revinrent vers le château, lentement, comme s’ils ne s’étaient pas encore avoués leur précoce tendresse.

Sans qu’on ait jamais su pourquoi, — le père avait-il eu des soupçons ? le départ était-il réel ? — J. E. Playfair partit à huit jours de là, accompagné de sa fille.

Et lord Lyllian resta plus névrosé que jamais.

À ce moment survint à Swingmore chez le duc de Cardiff (un autre des proches voisins de campagne) l’écrivain Harold Skilde qui déjà étonnait Londres et Paris par son talent, par ses goûts et par ses frasques. Après de longs voyages en Italie et en Grèce, où il avait recueilli comme un adorateur et comme un poète les mythes des religions païennes d’autrefois, il était rentré dans son pays, hanté par le souvenir de ce qu’il avait vu et aimé.

Assez grand, gros, peu distingué de sa personne, il avait dans la figure la plus ordinaire du monde des yeux d’une mobilité singulière qui vous fouillaient au passage. Un nez en bec d’aigle contrastait avec sa bouche épaisse, aux lèvres rasées. De longs cheveux faisaient de ce bonhomme qui aurait pu avoir l’air d’un domestique, une sorte d’empereur romain devenu journaliste.

Les premiers articles accueillis favorablement par les jeunes revues n’avaient eu tout d’abord qu’un succès