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LORD LYLLIAN

momentanée de soi, enrayèrent son vice et lui redonnèrent des couleurs. Mais bientôt, aussi monotone qu’avant et aussi sauvage, sa vie habituelle reprit. Son tuteur — très brave homme au fond — lui ayant permis toutes ses fantaisies, il fit un soir entrer au château des musiciens qui passaient dans le pays. Toute une grande heure il écouta leurs chansons, remué par un frisson nouveau, guidé par une envie nouvelle.

Il les regardait avidement ; on avait assuré qu’ils étaient de Bohème et que bohémiens étaient leurs chants et leurs guitares. Du reste, leur peau cuivrée, leurs longs cheveux noirs, la résonnance aiguë de leur voix prouvaient leur origine lointaine. Un d’entre eux surtout, un enfant de l’âge de Renold, maigre à faire pitié, avec dans sa figure de squelette des yeux profonds qui brûlaient… Il mimait des danses barbares et voluptueuses, avec, par instants, un râle ou une plainte.

Ils partirent comme ils étaient venus, par la grande route ; lord Lyllian se sentit plus seul et plus triste, sans ami, et s’épuisa jusqu’au jour de stériles caresses.

Tant qu’avec les froides soirées de décembre, la toux le prit, une petit toux sèche qui, au passage, lui déchirait la poitrine. Un médecin fut mandé et le tuteur fut averti. Par extraordinaire, il se dérangea de ses terres et vint soigner l’enfant. Le docteur comprit de suite la cause de la maladie, déclara, au reste, que ce ne serait rien, mais qu’on distraie le noble petit seigneur.

Et on l’essaya.

D’abord il y avait les châtelains du voisinage à qui l’Honorable comte Syndham présenta son pupille. Des réunions furent organisées, des tennis parties, des picknicks, des promenades en voiture et à cheval.