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MESSES NOIRES

doigts couraient au passage sur le visage de la femme, pâmée. Un collier, unique, un collier d’opales et de rubis étoilés étincelait sur sa poitrine. Deux bracelets, l’un hindou, d’or ciselé, l’autre tout rutilant de gemmes, adornaient ses minces poignets de fille. Et, à chaque pas, deux perles roses caressaient son sexe comme un ultime et troublant bijou.

Les convives abasourdis (quel toupet… quel toupet ! bavait d’Herserange) sauf d’Alsace qui appréciait, n’osaient rien dire pour ne pas éveiller Feanès.

Mais, comme lord Lyllian se baissait maintenant jusqu’à envelopper la tête de la gitane avec ses cuisses nerveuses, la femme assoiffée d’amour, de violence et de rut, oubliant tout, l’endroit et l’heure, happa le tentateur jusqu’à lui arracher un cri…

À ce cri, Feanès ouvrit les yeux.

— Nom de D… ! rugit-il. Et, subitement dégrisé, blême comme un mort, les tempes bourdonnantes, il saisit un couteau aigu, quelque part sur les dalles. Il se jeta sur lord Lyllian. Mais lord Lyllian avait prévu. Deux Napolitains, sur son ordre, barrèrent le passage et maintinrent l’homme.

— Laissez-moi, que je le crève ! hurlait Feanès.

— Ouvrez la croisée… là. Sur le canal, commanda Renold.

— Lyllian, qu’allez-vous faire ? interrogea-t-on.

— Le jeter par la fenêtre.

— Mais vous êtes saoul ?

— Mais je m’en fiche !

Et, avant que della Robbia puisse s’interposer davantage, les gaillards saisirent Feanès épouvanté, le balancèrent dans le vide, et, comme à la fin de la plus jolie