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LORD LYLLIAN

— Avec une protection comme celle-là ! Tenez, voilà pour ma défense…

Renold partait, après avoir glissé un louis au pipelet, et traversait la cour pour pénétrer chez lui.

Sur ces entrefaites, le concierge, avec une expression indéfinissable, le regardait disparaître…

— Peut-être bien que ce sera son dernier pourboire, murmura-t-il. Puis, appelant sa femme :

— Tiens, Génie, file çà avec ceuss de la préfecture !

 

Cependant, Lyllian, assis devant son secrétaire, tout près de la blonde image de sa fiancée, décachetait le paquet de lettres qu’à l’instant on lui avait remis.

Félicitations, souhaits, assurances d’amitié enthousiaste, Renold s’en grisait sans pouvoir s’en lasser. Sincérités, mensonges, illusions, hypocrisies, faiblesses, qu’importe ! Il avait besoin, dans son jeune bonheur, de croire à l’universelle bonté.

Subitement un coup de timbre retentit. Quel contretemps ! Renold serait en retard Avenue de Messine. Pourtant il alla ouvrir. Une exclamation. C’était André Lazeski, le petit rhétoricien — poète, familier de jadis, un des anciens « enfants de chœur » qui avaient servi la messe noire, Avenue d’Iéna.

— C’est vous qui êtes déjà venu dans la journée ? demanda Lyllian, très froid.

— Oui, c’est moi, répondit le jeune homme avec une voix blanche.

— Pourquoi voulez-vous me voir ?

— Parce qu’il faut que je te voie.

— Vos raisons ?…

— Peu importe. Renold, est-ce vrai que tu te maries ?