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MESSES NOIRES


Enfin je sortirai de mon lointain silence,
Et les mots les plus chers, et les mots les plus doux,
Mes larmes de jadis, mes jeunes espérances,
Avec mon jeune amour seront à vos genoux.

Et peut-être qu’alors, à m’entendre occupée,
Émue par ces appels vous oublierez vos jeux,
Et qu’ayant pour hochet mon cœur victorieux,
Tu me tendras ta lèvre en cachant ta poupée !

 

Ces vers lui revenaient en mémoire lorsque, vers deux heures, lord Lyllian se prépara à sortir. Était-ce pressentiment ou quelque simple chimère ? Il allait, aujourd’hui, sur l’invitation des parents même, revoir celle dont l’évocation ranimait le sens adorateur de toute poésie : Une partie de campagne, un tour de valse suivi d’un dîner sur le gazon donné par lady Hogarth dans sa jolie propriété de Versailles les réunirait.

Et lorsque lord Lyllian quitta l’avenue d’Iéna, il ne s’était jamais senti si plein d’espoir et si radieux. En chemin, il revit les étapes de cette marche au bonheur. Insensé ! Comme il avait longtemps hésité, et pourquoi s’était-il égaré si souvent quand la joie simple et honnête lui tendait les bras ?

Durant l’hiver et le printemps derniers, quand la saison des bals s’était rouverte, il l’avait aperçue pour la première fois, débutante, si timide ! Ils avaient dansé ensemble…

Et Renold se souvenait avec un frisson de ce je ne sais quoi d’exquis qui se dégageait d’elle. Elle était encore si enfant ! Son sourire avait gardé des fraîcheurs de berceau : Ils avaient dansé ensemble…