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LORD LYLLIAN

angoissées : surtout plus de ces réveils remplis peut-être d’amère volupté mais aussi de dégoût et de détresse. Il aimait. Il aimait ! Il connaissait le véritable amour, celui qu’on peut avouer.

Et, soudain, il avait eu la révélation charmante de tout l’infini que peut contenir un silence, une parole, un regard. Lui qui doutait, malgré sa jeunesse, croyait maintenant en l’avenir comme on peut croire en Dieu. Et, délices suprêmes, il pouvait non seulement s’en assurer, mais encore le dire, le répandre ainsi qu’une nouvelle trop heureuse que l’on apprend les larmes aux yeux : Elle était enfin passée sur sa route où lui, voyageur perdu, ne distinguait, pour s’y guider, que les étoiles factices du ciel. Elle… la Jeune Fille !

Ainsi que dans les églogues d’autrefois, elle lui apparaissait, insoucieuse et légère, au pied d’un arbre en fleurs. Et, dès lors, grisé par ce printemps et par cette innocence, il s’était agenouillé devant cette fraîcheur, protégé par des lys, comme à l’église…

Dire que vous viendrez, souriante et gamine,
Par un matin d’été, des roses aux cheveux,
Et que, sans me parler, d’un geste en mousseline,
Vous garderez mon cœur dans le ciel de vos yeux !

Vous serez enfantine et vous serez charmante,
Et vous serez l’amie que longtemps j’attendis…
Et quand vous paraîtrez au seuil du Paradis,
J’en aurai tant de joie que j’oublierai l’attente.

Je vous dirai : Je t’aime ! ainsi qu’on parle à Dieu,
Et vos doigts frôleront mes deux mains en prière ;
Je sentirai en moi comme une lumière,
Et les anges vermeils nous béniront tous doux !