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LORD LYLLIAN

glace je découvrirai ma première ride, le jour où je ne serai plus le « boy » que je suis, mais le « man » que l’on doit être, oh alors, mon cher, ce sera la démission. Je me rayerai moi-même de l’armée active. Retiré dans la réserve, je n’alimenterai plus ma faim de volupté qu’avec le rêve luxueux des imaginatifs !

» Comprenez donc que ce qui m’attire à l’heure présente vers cet amour persécuté, c’est l’échange loyal, avec un garçon de mon âge, de nos jeunesses radieuses et vivaces… Donnant, donnant, et je veux qu’on m’aime avec la sincérité du printemps. Plus tard, je regarderai les autres entrer en scène, ravi si je puis applaudir la tendre comédie et trouver au fond d’un regard l’étincelle amoureuse.

Plus tard mon rôle deviendra celui du souffleur. Après tout, c’est quelque chose. Et l’on triomphe si la phrase apprise, même sur d’autres lèvres, se termine en un baiser.

Mais continuer après la défaite, colleter de la chair fraîche et goûter du poulet de grain avec des doigts qui ont connu la farce… ce que vous faites, mon délicieux ami… Nenni, je vous le jure ! Car enfin, qu’il y a-t-il au fond de ces serments, de ces douleurs, de ces holocaustes que l’âge de mercure essaie d’offrir à l’âge d’or ? Le désir. Le désir brutal et souillé, sans poésie et sans candeur… Vous me semblez maints escargots retirés des affaires, vous n’êtes que des égoïstes.

— Des égoïstes ! Et vous donc ? Connaissez-vous autre chose que votre petite personne chérie ? Avez-vous jamais eu un élan de pitié pour ce qui peut remplacer la beauté ou la fraîcheur ? Prenez Skilde, qui vous aimait comme un dieu et qui a du génie. Vous fûtes sa gloire et son in-