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MESSES NOIRES

pas seul, avancez-vous, je n’ai qu’à tourner la tête, qu’à choisir un adorateur. Fort bien, c’est exquis. Je me penche, je regarde, et que vois-je ? des décombres. À eux je dois immoler ma fraîcheur, mon adolescence, ma foi, ou ce qu’il en reste… des trésors, qu’après je ne retrouverai jamais plus…

» Impudence ! En vérité, quelle impudence ! Mais si le gibier me plaisait, faisandé pour faisandé, je préférerais les femmes. Or, c’est justement parce que nous ne pouvons pas — excepté par le mariage — nous unir avec une fille de notre âge, qu’atrophiés moralement (on le prétend) par les lectures et les exemples, j’ai cru trouver une âme comme la mienne, ardente et juvénile parmi mon sexe… Sottise !… Je vous le répète, de par le monde, il y a des milliers d’adolescents pareils à Lyllian… Au lieu de se rencontrer et de se plaire, ils ne savent que gâcher leur pudeur avec des grues qui ont connu Gambetta !

» Que me fait Skilde, malgré son génie et malgré sa souffrance ? Croyez-vous qu’il me change de Skotieff, de Charlu, d’Herserange ou de vous… Non, vous me faites horreur. On dirait des mouches d’automne que ces baisers de vieux, que ces caresses mûres. Ça colle et ça sent. Excusez-moi !…

— Je vous donne rendez-vous dans quarante ans — si je vis encore — ricanait Payen.

— Il y a longtemps que vous serez au fond d’une fosse mon pauvre ami.

— Rendez-vous tout de même. Et raison de plus. Je pourrai à mon aise contempler vos grimaces. Vous serez vieux…

— Possible, mais pas ridicule. Le jour où dans la