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LORD LYLLIAN

Lord, à Paris comme ailleurs : Pincé, fichu ! Révélez-vous aux maîtres-chanteurs, désobligez votre portière ou votre journaliste, faites-vous bêtement prendre dans une rafle, flambé, honni, renié. Là, comme partout, règnent la sottise, la lâcheté, le mensonge…

— Oui, murmurait Lyllian pensif ; et que de joie farouche ils doivent ressentir quand ils pincent, comme vous dites, un gibier de luxe. Les hiboux à la curée… Je les vois d’ici… Jeunesse, fortune, beauté, talent… Ils s’en gorgent, les goules, ainsi que d’une manne bienfaisante… Ah, mon Prince, quel égout, l’humanité !

Après un silence, Charlu ayant proposé un tour à l’Olympia, ils se levèrent.

— Dire pourtant qu’à la sortie de ce cloaque nous irons au bal, murmurait Lyllian au Prince. Vous l’imaginez-vous ? Des musiques, des parfums, des lumières : quelque chose de léger qui tourbillonne. Nous serons polis, banals et charmants. Nous demanderons des valses et nous les danserons dans une griserie voluptueuse, en tenant enlacées des jeunes filles qui, ne sachant rien de nos erreurs, rêveront peut-être à un fiancé futur qui nous ressemble.

» Mensonges, mensonges encore ! Tenez, mon cher…

Mais arrivé avec les autres au milieu de la salle, Lyllian se taisait tout à coup, atrocement pâle. Skotieff qui le suivait, le voyant chanceler, l’interrogeait.

— Qu’avez-vous ? mais, sacrebleu, qu’avez-vous ?

— Là, dans ce coin…

— Hé bien…

— Tout un passé ! Harold Skilde !

— Quoi, ce vieux bonhomme, bouffi, malpropre et laid ?