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LORD LYLLIAN

créer les plus beaux enthousiasmes, toute de mystère et de souffrance que les imbéciles ont qualifiée de contre nature parce que la leur ne la comprenait pas.

Contre nature… Allons donc ! Elle a traversé les siècles. Une inversion n’est pas si longue. Aussi j’apprends à ces gosses la grandeur de l’amour qu’ils perçoivent confusément, et parfois, après avoir reçu leurs juvéniles confidences, après avoir ausculté leur âme sentimentale, je leur lis dans le soir qui tombe la plainte douloureuse d’un Byron, les litanies du pauvre vieux Verlaine.

Je les encourage, puisqu’ils n’ont personne à qui entr’ouvrir leur cœur, puisqu’au Collège on ne va pas plus loin que la grammaire et le foot-ball, je les encourage à se choisir parmi leurs camarades un ami plus tendre avec lequel ils découvriront la vie, en beauté et en tendresse, comme on doit la découvrir.

Je leur montre combien ces unions, très souvent chastes et délicieusement limitées à un frôlement du bout des lèvres, sont douces et réconfortantes. Combien c’est bon quand on est triste. Combien c’est exquis quand on se sent joyeux.

Je leur dis : votre jeunesse est un trésor, réservez-la à ceux qui la possèdent. Ne salissez pas votre foi, votre espoir, votre ferveur au contact de qui que ce soit de blasé, surtout des femmes. Car la femme est voluptueuse et bête. Elle se moquera de vous, et vous rabaissera vers sa bêtise. En parlant de femme, j’entends la grue, puisque la grue est la seule qui puisse s’offrir à des potaches.

Voyons, Skotieff, tout Russe que vous soyez, trouvez-vous que j’aie tort ? Et si demain l’on me reprochait ma conduite en la traitant d’immorale, si un monsieur