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LORD LYLLIAN

Ce soir-ci, cependant, tout était bien tranquille et, à part deux individus équivoques, reniflant la marée et glabres comme des courges, la clientèle ordinaire de commis aux layettes et de vieux sous-officiers sans bureau de tabac, regardait passivement la table où Renold présidait.

— Au fond, c’est très imprudent ce que vous faites. Surtout ce que vous me dites faire, murmura en tapinois Maurice Charlu, le diplomate, fondateur de la Pouponnière au quai d’Orsay. Réunions d’enfants de treize ans ! continuait-il en caboteur de code. Je préfère mon valet de chambre…

— Vous êtes attaché au foreign-office — comme l’on dit chez nous — ripostait Lyllian en chiffonnant des violettes… Vous êtes peut-être même attaché à l’office tout court… Je ne l’oublierai point, mon beau sire. Mais je me moque de l’opinion publique, et n’ayant rien qui pèse sur la conscience, je laisse grogner mon concierge et je vous permets de me donner des avis. J’aime mieux un baiser qu’un pourboire… Un baiser, d’ailleurs ? À peine… Chignon a croisé ma petite classe. Interrogez-le. C’est lui qui renseigne la préfecture.

Du vice avec ces mômes ? Suis-je assez vieux pour que cela m’attire ?

De l’initiation ? Laissez ce rôle-là aux magistrats cinquantenaires. J’ai trop souffert des leçons qu’on m’a faites, pour les révéler à mon tour.

Du caprice, alors ? Peut-être et pas encore. Dites qu’entre un milieu où je ne suis qu’un grand gosse qui s’amuse, et une assemblée soit de vieilles dames, soit de contemporains snobs et sots où je ne suis qu’un petit gosse qui s’ennuie, je choisis le premier. J’ai vingt ans.