— Orphelin et colossalement riche… répéta, rêveur, M. d’Herserange.
— Ce qui lui a permis d’affronter tous les vices, hein, ma bonne Alsace, interrompit le prince, avec un rire ambigu.
— Excepté les vôtres, Sérénissime, qui n’auraient pas tenu l’affiche !… un peu d’Asti, vous permettez ?
— À la mode de chez vous… Ne me tentez pas trop.
— Du reste, c’est ici même, dans ce Palazzo, que je l’ai connu, voici un mois, continua della Robbia. Il était venu à Venise après l’arrestation d’Harold Skilde. Déjà à cette époque, les bruits les plus bizarres couraient sur son compte, bruits qui n’étaient que trop fondés, puisque vous avez su…
— Quoi ? interrogea Mme Feanès, une brune volumineuse (la Grèce en relief, prétendait-on) déguisée en gitane.
— Il n’y a que les jolies femmes pour s’occuper de ces questions-là avec une ardeur…
— Oh dites, on a découvert ?…
— Vous voilà juge d’instruction et juge in rectum… on a découvert la correspondance du petit Lord et de l’écrivain, parbleu ! C’est même ce qui a fait condamner Skilde au hard labour. Du reste, lord Lyllian ne s’en est pas beaucoup ému… Depuis le procès, il voyage…
— Alors, soupira la gitane, vous êtes sûr qu’il va venir ce soir ?
— Il me l’a promis. Mais je vous le répète : Il est fantasque comme Pierrot, nerveux comme Clitandre, capricieux comme Scapin.
— Et sensuel comme son nom — c’est joli de s’appeler Lyllian, dit Mme Feanès, de plus en plus déballée…