Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LORD LYLLIAN

— C’est vrai. « Arriverai demain soir. Tendresses. Maman Elsa. » Maman Elsa !

Renold rendit à Ansen son télégramme, le félicitant, tout réconforté, lui aussi, par le plaisir de son ami. Sa mère allait arriver… Maman Elsa ! Quel joli nom, si doux à prononcer, chantant comme un appel, gracieux comme une caresse… Qui était-elle ?… Comment était-elle ?… Peut-être Ansen lui ressemblait-il ? Et dans son cœur d’orphelin, où saignait un regret inavoué d’amour, Renold s’imaginait Mme Ansen blonde, presque aussi pâle que de la neige, avec les yeux d’Axel les yeux d’un bleu du nord, d’un bleu de ciel ouaté de givre. Combien cela représentait de tendresse, de sacrifice, de pitié, ce voyage !

Maman Elsa avait dû tout abandonner pour venir soigner son enfant. Ces gens-là n’étaient pas riches… Cela coûtait cher de venir…

Maintenant, sans s’apercevoir du silence de son ami, Axel Ansen parlait, racontait des bêtises, des espoirs, des folies…

— Elle sera là demain soir… demain soir peut-être à cette heure-ci. Je la vois déjà dans ma chambre, à côté de moi. Nous laisserons la lumière entrer librement pour ne pas que cela ait l’air trop triste. J’aurai bonne mine, et maman Elsa sera fâchée d’être partie alors que je vais bien.

Mais je lui demanderai des nouvelles, des nouvelles de tout le monde et de tous les pays. Car elle en sait des choses, maman Elsa ! Elle me dira si la petite fille du sonneur d’Alund est encore aussi jolie. Figurez-vous que nous nous étions fiancés en jouant sur les étangs gelés à qui glisserait le plus vite. Nous avions