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MESSES NOIRES

indisposition d’hier… Rentrons, j’irai dans votre chambre…

Mais il protestait, assurait Lyllian qu’il n’avait jamais été malade, et qu’il était très bien, ce soir, si joyeux de revoir son ami.

— Et puis rentrer… vous recevoir dans ma chambre toute petite, toute modeste… Jamais de la vie ! Regardez comme c’est beau ici… ces pénombres mouvantes des vagues, ces ombres dansantes de la nuit… et puis les lumières de la côte qui s’irisent entre les branches… Il vous manquerait, là-haut, ce décor-là…

Ils demeuraient donc, Renold ému plus que de coutume par je ne sais quel pressentiment d’un obscur danger, Axel Ansen exalté d’enthousiasme, plus mélancolique et plus passionné que la veille…

Par un soir de tristesse et d’espoir grandiose
Où l’âme de Néron palpitera dans l’air,
Nous partirons tous deux vers le ciel bleu et rose
En face d’un coucher de soleil sur la mer !

Les jeux remplis d’extase et de rêves mystiques
Nous nous rappellerons les contes de jadis
Où des bergers passaient en priant dans les lys :
Et nos baisers d’adieu sembleront des reliques !

…Des parfums étrangers berceront le départ
Et le rendront plus vague et plus incertain même,
Et nous ne dirons rien sinon le mot : je t’aime…
Car notre unique amour vivra dans nos regards.

Puis tu seras si jeune, ô mon amant fidèle,
Que les oiseaux des Dieux te suivront en chemin,
Et que reconnaissant ton sourire lointain
Ils étendront sur toi le frisson de leurs ailes ;