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LORD LYLLIAN

un hasard, la mer fut illuminée d’une longue traînée de flamme et avec un tremblement de tout le sol, le cratère, à l’horizon, se remit à brûler. À sa lueur sanglante, je vis deux grosses larmes qui brillaient dans les yeux de mon ami. Lentement je tournais la tête. Nous étions seuls. On avait fait monter les gens de l’hôtel sur la haute terrasse blanche pour mieux apercevoir l’Etna.

Oh, ces larmes dans ses yeux !… Personne autour de nous… Alors je lui pris la main et la serrais de toutes mes forces en lui disant : I’ll be your friend… Je serai votre ami ! Peu à peu l’étreinte fut plus douce et plus caressante aussi. À son tour il regarda les environs, puis, à mesure que nos mains s’abandonnaient, il m’attira vers lui comme en une caresse mystique… Permettez-moi de vous embrasser… murmura-t-il la voix si blanche qu’on l’eut cru très lointaine. Sans répondre, je lui tendis mon front… Il hésita une minute et cette minute fut si délicieuse que j’en garde encore le frissonnant souvenir. Puis, sa fine moustache, une moustache blonde de collégien, m’effleura et je sentis sur ma peau un frôlement vivant et soyeux… son premier baiser…

Et nous rentrâmes ce soir-là aussi émus et aussi chastes que si nous avions été prier dans une église.

… Il est des soirs où je te veux
Pur et soyeux comme une hostie…

— Et depuis l’éruption, il continue à vous adorer ?

— Plus que jamais. Il a même été très amusant parce qu’avec sa nature froide de Scandinave il n’a pas voulu me révéler ses goûts, son idéal au premier abord. Il a fallu que je le questionne et que je le devine. Alors avec