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MESSES NOIRES

» Alors il parla… Et il me dit des choses touchantes et simples, évoquant son pays, les chères visions ensevelies dans les brumes du nord, dans les lacs mélancoliques, les forêts mystérieuses, les villages perdus sous la neige, tout un décor naïf de légende Scandinave qu’il avait dû quitter pour trouver le soleil. Un ordre des médecins. Il fallait l’exécuter malgré le chagrin des vieux parents, malgré la gêne de leurs ressources, malgré son regret, à lui, de tout abandonner…

Il était arrivé dans ces pays, traversant à courtes étapes l’Italie jusqu’à la Sicile dont le climat le guérirait…

» Mais il était bien seul, il s’ennuyait souvent ainsi, sans pouvoir trouver une âme compatissante, quelqu’un qui le comprenne et qui le soutienne aux heures grises… Aussi était-il si content, oh, si content de m’avoir rencontré ! De suite je lui avais été sympathique, dès l’instant où nous nous étions croisés par hasard dans un corridor. Il avait tant aimé quelqu’un qui me ressemblait (c’est toujours l’éternelle excuse) qu’il me priait pour terminer de bien vouloir être son ami durant mon séjour… de me promener quelques fois avec lui au crépuscule… ces crépuscules où il croyait mourir quand il était seul !

Je ne savais comment répondre. Jamais on ne m’avait parlé ainsi, vous comprenez, d’Herserange, avec tant de délicatesse et de respectueux désir. Je me sentais très heureux et très lascif et mon sang coulait avec un rythme tiède qui me faisait rosir… Pour la première fois, il me semblait aimer quelqu’un. Skilde m’avait étonné, Edith était oubliée, Skotieff m’avait dégoûté et vous m’aviez blasé. Je levai les yeux vers Axel Ansen…

Il était immobile et me regardait… À ce moment, par