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LORD LYLLIAN

la marchandise avant et après, de façon à constater l’excellence de la méthode. Ça va, hein ?

— Ce « Ça va, hein ? » abrutit littéralement M. d’Herserange qui roulait de gros yeux, sans comprendre où lord Lyllian voulait en venir. Il n’avait pas eu des surprises comme celle-ci avec ses petits Chinois, certes non ! Au Japon non plus, en Turquie non plus. Tout se passait le plus calmement et le plus sagement du monde. Mais ici ? était-ce un piège, un nouveau guet-apens ? Rassuré à moitié, il lança un œil oblique du côté de son jeune Anglais.

— Le plus sérieusement parler, vous dérangerais-je de faire le voyeur ?

Le gros homme ventru à la manière des Bouddhas qu’il avait rencontrés en voyage, bondit à cette proposition.

— Mais jamais de la vie, je ne l’aime pas, cette petite, et j’aime encore moins votre proposition ! Je lui ai parlé pour vous faire plaisir, rien que pour vous faire plaisir. Je ne l’aime pas, je ne la trouve pas jolie. Si même vous voulez savoir mon opinion, je la trouve laide, cette femme.

Oh, comme il en avait horreur, de « cette femme » et de toutes les femmes : sa haine contre elles, sa rage d’impuissant et de mal bâti s’exagéraient, se lisaient sur son visage glabre malgré la moustache, glabre et bouffi d’eunuque.

— Si ! laissez-moi regarder ! Du reste, vous n’aimez pas cette femme : c’est ce que je vous demande. Cajolez-la avec respect. Je ne regarderai que vous, elle restera loin. Mais vous, je suis sûr qu’artiste et poète comme vous l’êtes, vous saurez ressusciter d’un geste (!) le plus pur des académies grecques…