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LORD LYLLIAN

passons. Dès la première année d’union, la Duchesse, lassée des scapulaires impuissants de son mari, en prend d’autres. Un, puis deux, puis trois amants. Le Duc ignore. Cela dure quatre ans. Une fille naît, puis meurt. Un autre enfant, un garçon, celui-là, est mis au monde en parfaite santé. Et personne ne s’étonne qu’il ressemble à M. de X…, M. de X. étant l’amant de service. Bien. Au bout de la quatrième année, en décembre dernier, le Duc part à la chasse, laissant la Duchesse seule avec son fils dans l’immense et somptueux hôtel de la rue de Varenne.

— Écoutez, Prince, hasardait Lyllian, voyez comme ce que vous racontez impressionne M. d’Herserange. Il n’a pas dit un mot depuis l’anecdote. Il nous regarde avec des yeux d’homme de joie…

— Hé ! Monsieur le diplomate fut peut-être de la garde de déshonneur.

— Taisez-vous donc, il se souvient, pestait d’Alsace.

— La Duchesse douairière, qui exécrait sa belle-fille comme on exècre quelqu’un qui se fiche de votre progéniture, arrive sur ces entrefaites.

— Oui, connu. Servez-nous le Faubourg…

— … arrive sur ces entrefaites, épie une semaine durant la donzelle, fait revenir le Duc en catimini, le cache dans un placard et tend le piège.

— Quelle horreur… le saint piège !

— Rendez-vous. L’amant de service qui, ce soir-là, était le premier cocher, enlace la Duchesse dans l’ombre. Soudain, bruit de portes, bruits de voix, lumière, tout est cerné. La vieille douairière est là tonitruante, indignée, faisant justice, et le duc d’Halbstein apparaît dans