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ayant un talent qui la classait parmi les hommes supérieurs, ne devait peut-être pas être jugée comme femme.

Ma grande amie fixa ses yeux profonds sur les miens. Je soutins son regard. Il y avait dans ses gestes et sur sa physionomie de l’impatience, mais elle ne me répondit pas.

« Tout le monde vous voit, madame, ajoutai-je doucement, dans l’Arabella des Lettres d’un Voyageur, où vous apparaissez à George Sand avec tant de poésie.

— Oui, vous nous avez défendues toutes deux contre Proudhon et vous ne voulez pas… » dit-elle lentement ; puis elle continua irritée : « Ma chère enfant, laissez-moi vous donner un conseil. Ne connaissez jamais Mme Sand. Vous perdriez sur elle toute illusion. Comme femme, pardon ! comme homme, elle est insignifiante. Aucune conversation. C’est un ruminant, elle le reconnaît elle-même. Elle en a le regard, d’ailleurs fort beau. Sans la cigarette, qu’elle roule et fume incessamment, on pourrait la croire endormie les yeux ouverts. »

Et Mme d’Agoult ridiculisait l’une des plus belles qualités de George Sand, sa bonté.

« Elle donne tout ce qu’elle gagne et se trouve souvent dans l’embarras, mais vous ne la feriez pas s’adresser à ceux qu’elle a cent fois obligés et qui pourraient le lui rendre. Elle a une sorte de dédain des gens qui ont reçu ses bienfaits. »