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elle saluait l'autel avec une famille lorientaise. Tantôt elle semblait apercevoir le ciel à travers les arceaux, peut-être translucides pour l'imagination de sa race féconde en légendes ; tantôt elle narrait éloquemment des miracles anciens à la petite Gilberte émerveillée, qui finit par copier les génuflexions et tous les signes de croix, devant les autels, les châsses, les statues aux belles auréoles. La ferveur publique gagnait l'enfant. Elle marchait sur la pointe des pieds ; elle s'indigna des paroles profanes échangées par sa mère et son aïeule.

Dehors elle ne se permit d'être espiègle qu'au mo ment où nous eûmes quitté, la place et ses bouti- ques de chapelets, de médailles, de· scapulaires, pour longer, sur le flanc de la prairie, les bivouacs des arrivants. A des perches courbées, les gargotieres avaient ûxé de grosses toiles, en manière d’abri. La- , dessous, des bancs et des tables, improvisés aumoyen ` de planches disparates, accueillaient les buveurs, les buveuses, leurs marmailles. Des litres aux bols, le cidre coulait entre les chandelles fichées sur des clous qui perçaient le bois. Devant chacune de ces tentes, cinq ou six grosses pierres contenaient un feu de branches pétillantes et fumantes; une marmite . énorme y soufilait bruyamment sa vapeur. La mari- Iornc soulevait le couvercle, plongeait la cuiller pour remplir les écuelles de soupe auxechoux, de pain délayé, de viande bouillie. Sous leurs parapluies, les consommateurs s’empressaient autour des éven—‘ taires ou vacillaient les lueurs des lanternes. La, des ménagères du pays diivisaient en tranches de longues miches épaisses, partageaient le pâté gras encore ügé dans le poêlon. Ailleurs, des sardines