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se taire

je suis ! » semble être la maxime dont elles s’inspirent.

Comparez immédiatement, si possible, cette conversation des cuisinières avec celle de quelques dames en visite. Les deux phénomènes ne se différencient pas. Au lieu de rabâcher sur les mérites de la friture, elles radotent sur les vertus des étoffes, des soies, des fourrures, sur les satisfactions de leurs vanités médiocres. Mais elles ne s’intéressent guère mieux que les cuisinières au sens du colloque. Elles parlent aussi par exercice physique et afin de se sentir vivre. Leur esprit participe mal à cette fonction. Des heures durant, elles se réjouiront d’enfiler ainsi les mots après les mots. Néanmoins, à les connaître en particulier, on constate leur bon sens, leur goût, maintes qualités supérieures et réelles dont rien n’apparaît plus quand elles se livrent à leurs papotages. Alors Hypathie ne se distingue pas de Gothon.

Que de fois, ayant quitté les camarades avec lesquels nous avons devisé longtemps, la nullité de cette joie nous navre. Que reste-t-il de ces heures-là ? Les amis bien connus ne s’y sont pas révélés autres qu’à l’ordinaire. Leurs anecdotes étaient connues d’avance. Nous avions lu, dès le matin, dans les journaux, les faits divers, les nouvelles qui alimentèrent notre appétit de conversation. On n’a fait que répéter les articles des gazettes. Était-il nécessaire, voire même agréable, de les répéter ? Par politesse, on s’est efforcé de sourire, de répondre, de faire sa partie dans le concert. Qu’en demeure-t-il, non pas d’utile, mais de plaisant même ? Sur dix entretiens, pouvons-nous en compter un qui nous ait vraiment laissé un souvenir durable ? Point. Additionnons, par contre, les moments où des paroles imprudentes nous créèrent des inimitiés dangereuses, où