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écroulé ? Ô tableaux atroces de ma détresse, comme vous me gâtiez les plus innocents des plaisirs. L’ami de ma Polonaise jouait gracieusement de la flûte. On eût dit Apollon prêt à vaincre Midas, quand il s’adossait à un sapin pour nous charmer par les accents d’une tendre musique. Les oiseaux se taisaient pour ouïr. Il ne semblait plus un farouche guerrier, sinon par les brandebourgs de son uniforme de hussard, qui collait aux plus belles formes viriles qu’on pût voir.

« Nos chevaux paissaient non loin de là. Le capitaine Aimery attachait une escarpolette à deux branches basses et nous balançait tour à tour.

« Il nous envoyait au ciel, disait-il. Parfois, la face barbue d’un moujik regardait par les trous du buisson, comme un faune antique. Ô jours heureux ! si la crainte la plus cruelle n’avait terni mon bonheur.

« Je crains que ma Polonaise n’ait accordé quelque faveur à son ami. Pour moi, je me défendis de toute légèreté. Aimery, cependant, ne manquait pas d’éloquence en exprimant l’ardeur de ses feux, quand nous revenions au pas de nos chevaux, le long des rives du Borysthène.

« ― Ah ! Charmante Malvina, disait-il, pourriez-vous oublier un instant le noble époux que vous adorez, si, la main sur les yeux, pensant à lui, vous vous abandonniez, un seul moment à mes transports. Vous chérissez en votre héros la vaillance et l’honneur communs à toute l’armée du grand Napoléon… Écoutez-moi, ce n’est pas Aimery qui parle, mais cette vaillance et cet honneur, qui, par mon humble voix, réclament de vos beautés la plus douce récompense, Malvina. Un guerrier qui demain sans doute affrontera la mort, ne saurait-il justement solliciter les Grâces de lui tresser auparavant une couronne. Ah, Malvina ! Laissez-moi cueillir non pas toutes les fleurs d’une couronne, mais la rose que vous gardez si jalousement… Malvina ! »